Article : Douleurs anales chroniques | Proktos

Article : Douleurs anales chroniques

Article : Douleurs anales chroniques

Par C. CLAVIÈRE, M.-A. BIGARD

Les douleurs anales chroniques, autrefois facilement considérées comme « essentielles » et parfois assimilées à des manifestations psychiatriques, ont fait au cours de cette dernière décennie l’objet de significatifs progrès en ce qui concerne la compréhension des différents mécanismes physiopathologiques en cause et les conséquences qui en découlent pour la prise en charge thérapeutique. Ce sont probablement les origines neurologiques auparavant confondues sous le terme de névralgies pudendales (nerf honteux interne) qui ont le plus bénéficié des récentes démarches neurophysiologiques et anatomiques dans ce domaine.

L’examen clinique et en particulier l’interrogatoire sont des temps essentiels de la démarche diagnostique, visant à éliminer les causes extra-proctologiques et les causes organiques lésionnelles proctologiques ainsi qu’à orienter les éventuelles explorations complémentaires jugées utiles ou nécessaires. Le diagnostic peut cependant rester purement clinique dans certaines formes typiques. Le traitement demeure souvent empirique, basé sur des moyens physiques en dehors de celui, de mieux en mieux codifié, des causes neurologiques et de la possible correction chirurgicale de troubles de la statique pelvienne.

La symptomatologie douloureuse est un motif très fréquent de consultation en proctologie, estimé à environ 50 % des cas. Les douleurs chroniques sont plus rares (4,6 % des consultations proctologiques) et concernent plus fréquemment la femme (66 % des cas pour P. Suduca). Les symptômes évoluent alors souvent depuis plusieurs mois ou années de façon généralement capricieuse. La description fréquemment imprécise de la douleur, notamment en ce qui concerne le siège, explique les termes couramment employés de douleurs ano-périnéales ou anorecto-périnéales chroniques ou rebelles.
Après avoir éliminé les causes extra-proctologiques, urologiques, gynécologiques, rhumatologiques et psychiatriques, il est possible de regrouper les différentes étiologies de douleurs anales ou ano-périnéales chroniques en étiologies organiques lésionnelles proctologiques (tumeur, fissure, abcès liés ou non à une maladie de Crohn périnéale, pathologie iatrogène ou par corps étranger) qui ne seront pas traitées ici, et en pathologies fonctionnelles ou de physiopathologie encore imprécise, que l’on peut proposer de regrouper en trois grands ensembles qui seront ici détaillés. Il s’agit de causes apparemment primitivement musculaires avec les proctalgies fugaces et le syndrome des releveurs (anciennement dénommé « coccygodynie rectale »), de certains troubles de la statique pelvienne et de causes neurologiques. Ces dernières ont d’ailleurs fait l’objet de récents progrès aboutissant à l’identification, à la compréhension de la physiopathologie et au traitement de syndromes canalaires auparavant confondus sous le terme de névralgies du nerf pudendal. Nombre de syndromes douloureux anorectaux restent cependant encore inexpliqués, avec le risque de porter alors par excès le diagnostic d’affection de nature primitivement psychiatrique dans le possible état d’ignorance de quelques mécanismes physiopathologiques encore insoupçonnés.

Diagnostic

Interrogatoire

L’interrogatoire tient une grande place dans la démarche diagnostique et doit être l’occasion de rechercher des arguments en faveur d’une origine extra-proctologique de la symptomatologie douloureuse, d’en préciser l’ancienneté et les rapports chronologiques avec d’éventuels antécédents colo-proctologiques, en particulier chirurgicaux et/ou carcinologiques. Le recueil des autres antécédents doit être particulièrement minutieux en ce qui concerne les sphères urologique, gynécologique ou ostéo-articulaire. Il faut aussi s’enquérir de l’existence d’une pathologie musculaire ou neurologique sous-jacente connue, d’éventuels événements obstétricaux. Les caractères de la douleur sont importants à faire préciser : type, siège et irradiations, fréquence et durée des épisodes douloureux, existence de facteurs déclenchants ou favorisants (en particulier positionnels), signes d’accompagnement urinaires et/ou gynécologiques, de même que les éventuelles mesures thérapeutiques médicamenteuses ou physiques efficaces jusqu’à présent.

La recherche de signes évocateurs de pathologie lésionnelle organique doit être systématique : altération de l’état général, rectorragies, troubles du transit... Il est utile de rechercher avec insistance une automédication dissimulée par suppositoires, en particulier d’antalgiques. Le profil psychologique des patients est utile à apprécier, en recourant à un avis spécialisé si nécessaire : des traits obsessionnels, hypochondriaques ou une cancérophobie étant classiquement décrits comme associés à certaines des entités responsables de douleurs anales chroniques.

Examen physique

L’examen physique devra au minimum comporter un examen clinique général et un examen proctologique avec un toucher anal, rectal et une anuscopie. Cet examen s’attache à éliminer une origine lésionnelle proctologique mais aussi à préciser le cadre nosologique en recherchant, en particulier, un trouble de la statique pelvienne, une tension anormale des muscles releveurs de l’anus lors du toucher rectal ou une douleur provoquée par la palpation endorectale en regard de l’épine sciatique. Il faudra cependant être vigilant et ne pas attribuer trop facilement à une anomalie présumée de l’examen proctologique la responsabilité de la symptomatologie douloureuse. Il est donc nécessaire de connaître la sémiologie proctologique afin de s’assurer de la cohérence du rapport de cause à effet dont il est fait hypothèse à l’issue de l’examen. Il serait en effet dommageable d’incriminer par exemple des hémorroïdes volumineuses chez un patient ayant de vives douleurs ano-périnéales anciennes et exacerbées par la position assise sans rechercher un syndrome canalaire relevant d’un traitement spécifique.

Explorations complémentaires

Les explorations complémentaires ne sont pas systématiquement utiles et ne s’envisagent que dans deux circonstances :
– rechercher ou confirmer une origine organique lésionnelle en fonction du contexte clinique (endoscopie digestive basse, échographie endoanale ou échoendoscopie rectale, tomodensitométrie ou IRM pelvienne réalisées dans le cadre du diagnostic positif d’une pathologie inflammatoire recto-colique avec possibles complications périnéales ou d’une pathologie tumorale loco-régionale initiale ou récidivant après traitement à visée curative) ;
– faire le diagnostic positif précis du mécanisme en cause avec le recours à des explorations radiologiques fonctionnelles (défécographie avec opacification de l’intestin grêle et des trois filières à la recherche d’une élytrocèle) ou des explorations fonctionnelles électrophysiologiques si la clinique est compatible avec une origine neurologique.

Diagnostic différentiel

Il est important de savoir évoquer les nombreux diagnostics différentiels actuellement identifiés en cas de symptomatologie atypique, surtout si le siège de la douleur prédomine dans la partie antérieure du périnée ou dans la région sacro-coccygienne. L’examen clinique doit alors rechercher des arguments en faveur d’une possible origine extra-proctologique.
Causes urologiques : les prostatites chroniques ou prostatodynies, la pathologie kystique ou tumorale des glandes de Cowper.
Causes gynécologiques : une endométriose périnéale responsable de douleurs périnéales cycliques.
Causes ostéo-articulaires : les séquelles sacro-coccygiennes en particulier post-traumatiques responsables du tableau de « coccygodynie vraie », une pathologie rachidienne une pathologie traumatique ou infectieuse ischio-pubienne.

Proctalgie fugace

Les différents auteurs s’accordent sur le caractère clinique bien défini de cette entité touchant préférentiellement l’homme jeune, décrite par Thaysen en 1935, et dont la physiopathologie reste obscure.
Il s’agit d’épisodes douloureux paroxystiques récidivants avec une fréquence irrégulière (en moyenne 6 fois par an), atteignant d’emblée l’intensité maximale avant de disparaître tout aussi brutalement après quelques secondes ou minutes. De survenue préférentiellement nocturne, réveillant parfois le patient, cette douleur peut aussi être déclenchée par un coït ou une défécation, en signalant le classique rôle favorisant que pourrait jouer la fatigue liée à des périodes de « surmenage » ou de stress et l’hyper-excitabilité neuromusculaire en général (« dysneurotonie »). La douleur est profonde, de siège sus-anal, à type de striction, de tension extrême, de crampe ou de broiement. L’association de manifestations neurovégétatives est possible sous la forme d’un malaise lipothymique, d’une pâleur, d’une sudation, de nausées, de vertiges potentiellement liés à l’intensité et au caractère paroxystique de la douleur. La douleur cède très rapidement spontanément ou grâce à des mesures thérapeutiques dont l’action doit être immédiate pour pouvoir être considérée comme efficace. Les épisodes douloureux se répètent avec des caractéristiques identiques chez un même patient et la description clinique est généralement suffisamment caractéristique pour faire l’économie de tout examen complémentaire.

La physiopathologie reste imprécise, avec des hypothèses reposant moins sur un mécanisme primitivement vasculaire, responsable de phénomènes ischémiques ano-rectaux aigus que sur un mécanisme primitivement musculaire, avec la survenue de phénomènes de contracture de courte durée des muscles appartenant au groupe des releveurs de l’anus correspondant à de véritables crampes, possible forme paroxystique du « syndrome des releveurs ».

Le traitement de l’épisode aigu repose sur des moyens physiques tels que des techniques posturales (position assise, triple flexion des membres inférieurs), l’émission d’un gaz ou d’une selle, l’introduction d’un doigt dans l’anus ou d’un suppositoire (quelle qu’en soit la composition). L’efficacité de certains moyens pharmacologiques est plus sujette à caution en raison de la brièveté de la symptomatologie rapportée au délai d’action des inhibiteurs calciques, des dérivés nitrés ou des ß-mimétiques, même administrés sous forme d’aérosols. Des traitements de fond par diltiazem ou clonidine ont été proposés, de même qu’une prise en charge psychothérapique. L’utilisation de molécules revendiquant un effet stabilisateur de membrane ou plus généralement préconisées dans le traitement des crampes musculaires essentielles n’est curieusement pas rapportée dans la littérature.

Il a été décrit de rarissimes formes familiales de proctalgies fugaces apparaissant au cours de la deuxième décennie et associée à une constipation terminale. De transmission supposée autosomique dominante à pénétration variable d’après l’étude des deux familles connues, cette affection se caractériserait par l’existence d’ondes ultra-lentes de grande amplitude en manométrie ano-rectale avec une absence de relaxation du sphincter anal interne lors de la distension rectale dans les formes sévères, suggérant un mécanisme neurogène, alors qu’une atteinte primitivement musculaire a été initialement évoquée en raison de l’observation d’une dégénérescence vacuolaire au sein du sphincter interne hypertrophié en échographie endoanale. La réalisation d’une sphinctérotomie anale interne partielle, comme le traitement par nifedipine de l’hypertension artérielle associée, sembleraient s’être accompagnés d’une atténuation de la symptomatologie douloureuse anale.

Syndrome des releveurs

Dénommé pour la première fois par Smith en 1959, ce syndrome a ensuite été précisé par Thiele en 1963 sous le nom de coccygodynie (ultérieurement rebaptisée « coccygodynie rectale »), facteur de confusion avec la « coccygodynie vraie » (correspondant à une entité d’origine primitivement coccygienne par atteinte de l’articulation sacro-coccygienne, avec une douleur provoquée par la palpation bidigitale de l’articulation et de fréquents antécédents traumatiques locaux). Il s’agit d’une entité affectant préférentiellement la femme à un âge moyen.

La douleur prédomine nettement à la partie haute du canal anal avec de possibles irradiations antérieures vers la sphère génitale ou postérieures vers le pli interfessier. Le type de la douleur est variable, parfois à type de pesanteur profonde, de sensation de corps étranger intra-rectal. L’intensité de cette douleur intermittente est généralement modérée, avec une classique tendance à l’accentuation progressive au cours de la journée. Il n’y a pas de facteur positionnel aggravant reconnu mais un facteur déclenchant est parfois retrouvé sous la forme d’une survenue post-orgasmique, après défécation ou changement de position. Il peut s’y associer une dyschésie et/ou des troubles mictionnels à type de dysurie (miction par saccades successives).

Il est dans ce cas essentiel de rechercher une hypertonie ou contracture des releveurs de l’anus (faisceau pubo-coccygien) sous la forme d’une corde tendue du coccyx vers l’avant à la partie haute du canal anal, de façon bilatérale ou unilatérale (une prédominance latérale gauche est classiquement évoquée).

La possible observation d’un anisme et/ou d’une hypertonie à la partie haute du canal anal a pu être rapportée en manométrie ano-rectale au cours de ce syndrome.

La physiopathologie repose sur l’hypothèse d’une contracture, d’une hypertonie des muscles releveurs de l’anus et en particulier du faisceau pubo-coccygien, phénomène qui serait secondaire à un conflit ostéo-ligamentaire mal défini. La survenue de microtraumatismes répétés d’origine posturale et/ou liés à certains modes de transport (longs voyages en train ou voiture) ou à la pratique de certains sports a ainsi pu être incriminée, de même que les séquelles d’accouchements par voie naturelle ou de chirurgie pelvienne. Des facteurs psychologiques sont d’autre part souvent évoqués (exacerbation par le stress et une tendance dépressive). De façon probablement simpliste, ce syndrome pourrait évoquer une forme de « courbature » des releveurs par opposition aux proctalgies fugaces assimilées par certains auteurs à de véritables crampes essentielles des releveurs.

Le traitement comporte différents volets. Divers traitements physiques sont ainsi proposés, comme des massages répétés des releveurs par voie endo-luminale, des séances d’électrostimulation des releveurs visant à obtenir une fatigabilité musculaire destinée à rompre le cercle vicieux supposé du mécanisme physiopathologique ou une rééducation par
« biofeedback » en cas d’anomalie objective en manométrie. Des traitements médicamenteux sont aussi disponibles : myorelaxants, psychotropes, antalgiques périphériques. Une psychothérapie peut être parfois préconisée.

Troubles de la statique pelvienne

Si des douleurs anales chroniques peuvent s’observer en cas de rectocèle ou s’il existe un syndrome de l’ulcère solitaire, il faut rester prudent dans l’attribution de la symptomatologie douloureuse à une anomalie de la statique rectale. Des signes d’accompagnement sont possibles, notamment une dyspareunie d’introduction disparaissant en cours de coït.

La symptomatologie d’une élytrocèle est en revanche plus susceptible d’être dominée par la douleur. Il s’agit d’un trouble atteignant préférentiellement la femme d’âge mûr aux fréquents antécédents gynécologiques chirurgicaux (hystérectomie). La douleur est de siège anal et/ou vaginal avec possible dyspareunie associée à type de pesanteur aggravée par l’orthostatisme et la marche. La position assise peut favoriser une sensation d’écrasement et un facteur déclenchant, tel que la défécation ou une miction, est parfois rapporté. La symptomatologie douloureuse a généralement tendance à s’amender lors du décubitus. Une colpocèle postérieure est à rechercher. Le diagnostic positif est fait par la défécographie avec colporecto-cystogramme et opacification préalable des anses grêles. La correction chirurgicale du trouble donne le plus souvent de bons résultats sur la sensation de pesanteur mais il faudra cependant rester prudent dans les indications chirurgicales en raison du risque de décompensation par l’intervention d’un trouble du transit terminal.

Causes neurologiques

Le concept de névralgie du nerf pudendal (anciennement dénommé nerf honteux interne) a récemment évolué grâce aux travaux d’Amarenco et de Robert qui, par une approche neurophysiologique et anatomique, ont mis en lumière la possible responsabilité de deux syndromes canalaires dans cette entité : une atteinte tronculaire du nerf pudendal a ainsi pu être décrite par compression dans deux défilés ostéo-musculo-ligamento-aponévrotiques réalisant de véritables syndromes canalaires dont le premier a été décrit dans le canal d’Alcock puis ensuite en amont en regard du ligament sacrotubéral ou sacroépineux.

Les causes neurologiques sont fréquemment retrouvées dans les douleurs ano-périnéales chroniques et plus souvent diagnostiquées chez la femme. L’âge moyen des patients est d’environ 55 ans et la notion d’antécédents gynécologiques chirurgicaux ou non, d’urétrite est fréquemment rapportée. L’association à des facteurs prédisposants comme un diabète ancien mal équilibré, une hypothyroïdie, une polyarthrite rhumatoïde ou une intoxication éthylique chronique est à rechercher.

Le siège ano-génital, voire urinaire, de la douleur correspond au territoire sensitif du nerf pudendal (S3 ± S2-S4). La variabilité dans la topographie exacte, l’étendue de la zone douloureuse et la latéralité sont fonction du caractère uni ou bilatéral de la souffrance nerveuse et des fibres concernées. Il s’agit souvent d’une douleur lancinante assez mal définie à prédominance ano-génitale à type de brûlure, de paresthésies ou un prurit, mais assez stéréotypée chez chaque patient. La douleur est nettement majorée par la position assise à l’exception du séjour assis sur le siège des toilettes qui, au contraire, soulage les patients. L’examen clinique est normal en dehors du toucher rectal qui recherche une douleur élective à la palpation digitale en regard de l’épine sciatique s’il s’agit d’une compression à ce niveau. L’analyse de la sémiologie topographique des douleurs permet d’évoquer si nécessaire les diagnostics différentiels neurologiques tronculaires susceptibles de provoquer des douleurs anales :

  • atteinte du nerf génital (D12-L1) responsable de douleurs siégeant dans la région inguinale et la face interne de la racine de la cuisse ;
  • atteinte du nerf génitocrural (L1-L2) s’accompagnant de douleurs de la face supéro-externe de la cuisse.

La confirmation du diagnostic nécessite des explorations neuro-physiologiques qui mettront dans ce cas en évidence des signes de dénervation (principalement du sphincter externe de l’anus) par un EMG de détection périnéale, une augmentation du temps de latence du nerf pudendal lors de l’étude des réflexes bulbocaverneux ou clitorido-anal. La normalité de l’étude des potentiels évoqués somesthésiques corticaux permet d’éliminer une origine neurologique centrale. L’étude du temps de latence motrice distale du nerf pudendal peut être utile pour différencier une atteinte radiculaire ou plexique s’accompagnant d’une normalité de l’examen, d’une atteinte tronculaire associée à un allongement de ce temps de latence. Le caractère unilatéral et homolatéral à la douleur des anomalies électro-physiologiques est un argument de poids dans la démarche diagnostique positive.

La mise en évidence d’un profil d’atteinte radiculaire doit orienter les investigations à la recherche d’un syndrome de la queue de cheval, d’un canal lombaire étroit ou d’une atteinte osseuse sacrée (tumorale ou traumatique).

L’accumulation d’arguments en faveur d’une atteinte plexique s’observe en cas d’antécédents d’amputation du rectum, d’hystérectomie élargie, d’accouchement difficile, d’étirement sur table de chirurgie orthopédique.

Des signes d’atteinte tronculaire font évoquer une neuropathie d’étirement du nerf pudendal (Parks, 1984) ou l’existence d’un syndrome canalaire (G. Amarenco, 1988 ; R. Robert, 1989). Il a été initialement décrit une forme de compression aiguë d’origine traumatique du nerf pudendal dont les manifestations parfois accompagnées d’un déficit sensitif objectif régressent en quelques heures ou jours, n’entrant donc pas dans le cadre de ce chapitre.

Le diagnostic peut ensuite être confirmé par un test thérapeutique consistant en l’infiltration sous contrôle densitométrique du siège présumé de la compression par une solution contenant un anesthésique local. Il est envisageable d’infiltrer d’emblée les deux sites actuellement identifiés comme potentiellement en cause où d’infiltrer dans un premier temps un seul site, puis le deuxième en cas d’échec. La première infiltration est alors généralement réalisée à proximité de l’épine sciatique, siège apparemment le plus fréquemment en cause dans ce syndrome canalaire.

Le traitement par bloc tronculaire (infiltration scano-guidée d’anesthésique local et/ou de dérivé cortisoné) est un succès dans environ 26 à 38 % des cas pour une durée supérieure à 6 mois, avec une amélioration significative transitoire dans environ 41 % des cas. L’efficacité de la libération chirurgicale du nerf pudendal après échec des techniques d’infiltration semblerait atteindre environ 77 % pour l’équipe de R. Robert, mais P. Denis montre une efficacité limitée aux indications pour rechute précoce après infiltration scano-guidée en dehors de toute pathologie psychiatrique intriquée. Les blocs anesthésiques périduraux semblent intéressants dans cette indication puisqu’ils seraient efficaces dans 60 % des cas à 3 mois et pourraient donc être une alternative aux infiltrations scano-guidées. En cas d’échec de ces traitements invasifs, le traitement sera médical, avec le recours aux anti-épileptiques (le clonazépam paraissant particulièrement efficaces en cas de prurit), aux antidépresseurs tricycliques et aux morphiniques.

Autres syndromes douloureux chroniques de l’anus

Des douleurs anales chroniques inexpliquées par les mécanismes précédemment énumérés sont cependant quotidiennement observées même si leur nombre diminue parallèlement aux progrès récemment réalisés dans le démembrement en particulier des causes neurologiques. Il faut alors évoquer la possible responsabilité d’un geste chirurgical loco-régional passé, et en particulier des séquelles de myorraphie dite postérieure pour les gynécologues et antérieure pour les proctologues. Ce type d’intervention semblerait en effet pouvoir s’accompagner de l’apparition de douleurs anales chroniques de type variable et siégeant en un point exquis de la paroi ano-vulvaire, avec possible dyspareunie et aggravation par la position assise tandis que l’orthostatisme diminuerait la douleur. La douleur peut alors être reproduite à l’examen par la palpation ano-vulvaire. L’infiltration locale d’anesthésique est efficace, mais il peut être parfois nécessaire d’envisager une reprise chirurgicale.

Après avoir éliminé toutes étiologies organiques actuellement connues, une origine psychogène pourrait être évoquée.
La prise en charge s’avère alors souvent longue et difficile, reposant essentiellement sur la relation médecin-malade.

Mis en ligne en mars 2018

Pour en savoir plus

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