Article : Cancer colorectal et génétique | Proktos

Article : Cancer colorectal et génétique

Article : Cancer colorectal et génétique

Le cancer du côlon est extrêmement fréquent représentant 15 % de tous les cancers et un cancer digestif sur deux. Il existe une prédominance masculine de 1,6 hommes pour 1 femme. L'âge d'apparition moyen se situe entre 65 et 70 ans et il existe des facteurs génétiques dans la genèse d'apparition de ce cancer à deux niveaux : d'abord dans l'existence de formes familiales (essentiellement polypose adénomateuse familiale et syndrome de Lynch) mais également dans les formes sporadiques communes du cancer. Enfin, des anomalies dans les systèmes de contrôle de la réplication de l'ADN sont à l'origine du développement des tumeurs.

Les formes héréditaires de cancer colorectal

Elles représentent 5 % des cancers colorectaux : ce sont la polypose adénomateuse familiale et le syndrome de Lynch.
La polypose adénomateuse familiale est une maladie autosomique dominante en rapport avec une altération du gène APC qui est situé sur le bras long du chromosome 5. Elle représente 1 % des cancers colorectaux et est présente sur une naissance sur 10 000.


Figure : Chromosomes au microscope électronique à balayage.

La maladie est caractérisée par l'apparition de plusieurs centaines de polypes au niveau du côlon et du rectum apparaissant le plus souvent à la puberté, ces polypes grossissant progressivement pour dégénérer et se transformer en cancers malins qui apparaissent dès l'âge de 20 ans. Cette polypose adénomateuse familiale peut s'accompagner de manifestations extra-coliques avec essentiellement des adénomes au niveau du duodénum qui peuvent donner des cancers du duodénum et qui nécessitent donc chez ces patients une surveillance du tube digestif haut.

Le diagnostic est habituellement simple car la maladie génétique est connue et les enfants sont surveillés dès avant la puberté par des coloscopies courtes associées maintenant à un diagnostic génétique de recherche de la mutation du gène APC. En cas de présence de la maladie, la sanction thérapeutique est obligatoirement une exérèse du côlon tout entier que l'on programme généralement à l'âge de la majorité une fois la croissance terminée et qui peut s'accompagner soit d'une anastomose entre l'intestin grêle et le rectum qui nécessitera alors secondairement une surveillance systématique du rectum restant pour réséquer les polypes au fur et à mesure de leur apparition, soit qui s'accompagne d'une amputation du rectum avec confection d'un néo-rectum par un réservoir iléal que l'on abaisse au niveau de l'anus.

Le syndrome de Lynch

L'autre forme de cancer héréditaire est représentée par le syndrome de Lynch dont on décrit deux types, le type 1 encore appelé HNPCC (hereditar non polyposis colorectal cancer) est décrit comme l'association de plusieurs cancers du côlon dans une même famille sans cancer d'autre localisation parmi les apparentés. Ces cancers sont plus fréquemment situés dans la partie droite du côlon, ils sont plus précoces que le cancer du côlon habituel, survenant avant l'âge de 50 ans et auraient un meilleur pronostic. Le syndrome de Lynch de type 2 associe des cancers du côlon à des cancers d'autres sites en particulier de l'endomètre (utérus).

Comme la description clinique de ces syndromes de Lynch restait vague, on a déterminé des critères (dit d'Amsterdam) pour définir les populations à risque d'apparition de cancer colo-rectal : il faut dans une famille au moins trois sujets atteints d'un cancer du côlon sur deux générations successives, l'un des cancers du côlon étant survenu avant l'âge de 50 ans en dehors d'un contexte de polypose adénomateuse familiale.

Les syndromes de Lynch correspondent à des altérations du génome touchant les chromosomes 2, 3 et 7 où ils intéressent une famille de gènes impliquée dans la réparation des anomalies de réplication de l'ADN aboutissant à une instabilité du génome des cellules tumorales. Ce critère est utilisé dans le diagnostic.

Les sujets à risque doivent être soumis à un dépistage systématique et une surveillance régulière. Les différentes observations cliniques ont permis de modéliser cette surveillance et de proposer un contrôle coloscopique biennal dont le point de départ est situé entre 20 et 25 ans. Lorsqu'une lésion apparaît, est discutée la pratique d'une colectomie totale avec anastomose entre l'intestin grêle et le rectum et surveillance secondaire du rectum par une rectoscopie biennale. Chez la femme, on y associe une surveillance systématique au niveau utérus et ovaires dès l'âge de 30 ans par frottis, aspiration et échographie endo-vaginale annuelle.

Dans le cas du cancer du côlon sporadique qui concerne 95 % des cancers coliques, les facteurs génétiques sont représentés par une prédisposition familiale : des antécédents au premier degré (parents, fratrie, enfants) de cancer colo-rectal sont retrouvés chez 15 % des sujets atteints de cancer colo-rectal et il multiplie par 2 à 3 le risque de cancer chez les apparentés. Ce risque est retrouvé pour les polypes en particulier les plus volumineux. Il n'est pas connu de gène de susceptibilité expliquant cette prédisposition, et l'action est peut-être indirecte agissant sur un facteur intermédiaire au niveau environnemental (nutritionnel en particulier). Ces facteurs nutritionnels sont prépondérants dans la genèse du cancer colorectal.

Les anomalies génétiques à l'origine de la cancérogenèse moléculaire

Ce chapitre serait incomplet si l'on n'évoquait pas les anomalies pathologiques survenant au niveau de la réplication de l'ADN dans les cellules intestinales à l'origine des modifications cellulaires qui aboutissent à la formation de cellules cancéreuses.

Ces mutations sont multiples et complexes et on ne les décrira pas. Il existe deux grands types d'anomalies à l'origine du cancer du côlon : Les anomalies concernant les gènes codant pour la réparation de l'ADN, responsables nous l'avons vu d'une instabilité génomique et présente dans le syndrome de Lynch alors qu'un autre groupe de cancer colorectal concerne plus des pertes de morceaux de gène qui aboutissent à des défauts de production protéiques pour des protéines qui empêchent l'apparition des cellules cancéreuses comme la P 53 ou le gène DCC.

Cette analyse biologique moléculaire est intéressante car elle différencie a priori deux types de cancer dont les caractéristiques cliniques et évolutives ne sont pas tout à fait les mêmes et il est probable qu'à terme, elle permettra de définir des sous-populations justifiant éventuellement des traitements complémentaires de type chimiothérapie par exemple.

La génétique est donc omniprésente dans l'apparition du cancer colorectal et en dehors des formes familiales qui sont peu fréquentes mais graves et nécessitent un dépistage et une surveillance précoce, la forme classique sporadique du cancer colorectal est de survenue plus volontiers inopinée et plus liée à des facteurs environnementaux. L'existence d'un ascendant du premier degré porteur d'un cancer colorectal avant l'âge de 60 ans justifie cependant un dépistage systématique chez les enfants par une coloscopie programmée aux alentours de 45 ans ou 10 ans avant l'âge de survenue du cancer chez l'ascendant. Ce dépistage par coloscopie avec exérèse de polypes rencontrés est efficace pour prévenir l'apparition des cancers colorectaux.

Mis en ligne en mars 2018