Article : Dermatologie Proctologique | Proktos
Article : Dermatologie Proctologique
Article : Dermatologie Proctologique
Par B. SCHUBERTLa région péri-anale, jonction cutanéo-muqueuse, a une situation particulière, enfouie au plus profond d’un grand pli. Il y règne un climat quasi tropical : chaud, et c’est là qu’en France, on apprécie la température dite centrale, humide par la transpiration et de plus, mal ventilé. La peau et le tube digestif s’y juxtaposent et s’influencent réciproquement : c’est le lieu de la coopération étroite des médecins spécialisés dans chacun des organes.
Anatomiquement, la peau y est riche en annexes :
- Glandes sudorales eccrines, contribuant à l’humidité de surface et qui sont asséchées après sympathectomie lombaire ;
- Glandes sudorales apocrines peu fonctionnelles ;
- Glandes sébacées, libres ou annexées aux unités pilosébacées souvent abondantes.
Sa topographie dorsale inférieure rend l’auto-examen malaisé et peut expliquer certains recours tardifs au médecin.
Reconnaître une anomalie cutanée nécessite apprentissage et expérience. La lésion cutanée directement accessible à l’examen, s’exprime par un vocabulaire et son interprétation nécessite une méthodologie appropriée. Les signes fonctionnels sont limités et non spécifiques : prurit et douleurs vont motiver les consultations sans donner d’orientation précise. La première démarche est l’inspection de la surface cutanée dans sa totalité, à la recherche d’autres localisations d’une même maladie. C’est ainsi d’ailleurs que des lésions anales méconnues peuvent être découvertes lors d’un examen dermatologique général.
L’analyse de la lésion, sous un bon éclairage et avec l’aide d’une loupe reconnaîtra :
- Une anomalie de couleur : érythème, hyper ou hypo-pigmentation, purpura ;
- Un enduit superficiel blanchâtre par macération d’une desquamation, ou jaunâtre en cas de pus ;
- Une tumeur par prolifération anormale, bénigne ou maligne, de l’épiderme ;
- Une infiltration palpable sous un épiderme normal ou distendu, témoin d’une prolifération soit inflammatoire et polymorphe soit tumorale et monomorphe d’une population cellulaire néoplasique ;
- Une ulcération, une fissure qui n’est pas forcément bénigne.
L’anomalie constatée n’est pas forcément caractéristique et même si elle devait l’être, une confirmation histologique est nécessaire. Le prélèvement réalisé sous anesthésie locale doit être de taille suffisante pour que l’anatomopathologiste puisse l’interpréter correctement. Un prélèvement trop petit est une perte de temps.
La bactériologie est souvent peu contributive sauf si certains renseignements particuliers sont recherchés comme une culture pure par exemple.
Le tableau synoptique résume les principales orientations diagnostiques à considérer.
Anomalies du développement embryonnaire
Nous ne retiendrons que les anomalies mineures :
Les hémangiomes du nourrisson
Ils sont fréquents et ubiquitaires, évoluant en trois phases : pas ou à peine visibles à la naissance, ils atteignent entre 3 et 6 mois le maximum de leur croissance, restent stables jusque vers 20 mois avant d’amorcer leur régression spontanée, annoncée par la survenue de stries blanchâtres de sclérose au sein de la « fraise ». L’atteinte péri-anale est rare mais classée dans les formes graves. Une gêne fonctionnelle peut résulter de leur volume ou de leur tendance à l’ulcération et au saignement et nécessite des mesures d’hygiène et d’antisepsie. Plus rarement encore, un caractère destructeur des structures anatomiques peut nécessiter des mesures thérapeutiques comme une corticothérapie générale à dose élevée, 2 à 4 mg/kg. Sa répercussion doit faire peser avec attention les avantages et les risques. Laser à colorant pulsé et interféron a en sont des alternatives.
Les lymphangiomes ou hémolymphangiomes
Ils sont des dilatations du réseau lymphatique souvent d’origine congénitale, progressives, sans tendance à la régression. Leur siège à la racine des membres est habituel. Ce sont des vésicules tantôt claires, tantôt rosées, en bouquets, en grappes de raisin. À ces localisations superficielles s’associent des localisations profondes, compliquant l’exérèse chirurgicale, seule solution définitive si elle est possible.
fig. 1 – Hémangiome du nourrisson avec ulcération.
La protrusion pyramidale périnéale infantile
Récemment, elle a été décrite par Kagashima et plusieurs fois rapportée depuis. Située à la partie antérieure et médiane de l’anus, elle revêt une forme pyramidale, lisse, rouge ou rosée. L’histologie constate une papule en dôme, une acanthose de l’épiderme, un œdème du derme et un infiltrat modéré à polynucléaires neutrophiles, en tous points comparable à l’acrochordon ou molluscum pendulum. Sa régression est spontanée. On évitera de la confondre avec des sévices sexuels, des verrues, un prolapsus rectal ou un lymphangiome.
Maladies inflammatoires
Un intertrigo est un état inflammatoire d’un pli et relève souvent de facteurs étiologiques multiples : c’est le complexe des plis de Gougerot : sur une anomalie dermatologique, psoriasis ou eczéma, se développe une surinfection bactérienne ou mycosique, aggravant l’état initial et en perturbant les signes cliniques.
fig. 2 – Intertrigo interfessier.
Maladies bactériennes
Le portage staphylococcique
Même en l’absence de signes cliniques, le canal anal peut héberger des colonies de staphylocoques qui seront à l’origine, soit par extension de proche en proche, soit par manuportage, de folliculites, d’impétigo ou d’autres pyodermites, pour le porteur lui-même ou pour son entourage. C’est un problème que ne doit pas méconnaître le chirurgien appelé à intervenir en ces lieux. Certains staphylocoques par leur toxine exfoliative ou épidermolytique, sont responsables de décollements superficiels.
fig. 3 – Lyell staphylococcique.
La maladie streptococcique péri-anale infantile
Elle a été isolée par Amren en 1966. Elle atteint les enfants de 1 à 8 ans et se traduit cliniquement par un prurit anal et des douleurs à la défécation. L’examen clinique montre un érythème péri-anal isolé, parfois érosif avec saignement. L’examen bactériologique montre un streptocoque b hémolytique du groupe A. De petites épidémies ont été rapportées, favorisées par des angines streptococciques et des bains en communauté. Des atteintes de l’adulte ont été signalées avec un érythème périanal sur 5 cm, sans fièvre, parfois accompagné d’induration précédant une abcédation. La bactériologie apporte ici le diagostic et les b lactamines sont efficaces en 10 à 15 jours. La pathogénie reste obscure : maladie autonome ou infection secondaire d’un intertrigo ?
L’érythème périnéal récidivant post-streptococcique
Il a été récemment proposé comme une nouvelle entité, par Manders puis par Saada. C’est un érythème du périnée, associé à des lésions papulo-vésiculeuses palmo-plantaires, récidivant en plusieurs poussées, et associé chaque à fois à une angine à streptocoque b hémolytique du groupe A producteur d’exotoxine A et B ou de la toxine du Toxic shock syndrome. Chaque fois le traitement antibiotique permet la guérison. C’est un tableau qui doit encore être confirmé.
Le Pseudomonas aeruginosa
Ce bacille pyocyanique est un bacille gram négatif aérobie strict, peu exigeant, sécrétant un pigment bleu-vert et diverses substances agressives pour les tissus humains. Il pousse bien en milieu humide et résiste mal à la sécheresse. C’est un agent redoutable des infections nosocomiales. L’évolution est nécrotique au point d’inoculation (echtyma gangréneux). Lors de l’immunodépression, la septicémie peut s’installer rapidement. Une bonne hygiène, un séchage soigneux des plis, l’acide acétique à 10 % en antiseptique permettra de limiter sa prolifération sans qu’il soit nécessaire de recourir forcément à une antibiothérapie très onéreuse.
Nécroses et gangrènes
À la suite d’une intervention chirurgicale ou d’un traumatisme, on a décrit des gangrènes extensives de la peau et des tissus sous-cutanés, relevant de facteurs infectieux, sous diverses dénominations : gangrène clostridienne, cellulite et myosite streptococcique, fasciite nécrosante, gangrènes de Meleney, synergistique, de Fournier. Les adultes jeunes ne sont pas épargnés. Une douleur violente est le premier signe, et précède une plage noire de nécrose, rapidement extensive. La bactériologie de la périphérie de la lésion montre Clostridium perfringens, Pseudomonas, Streptococcus ou d’autres germes. C’est une urgence pour la chirurgie et la réanimation, qui nécessite une antibiothérapie puissante et parfois l’oxygénothérapie hyperbare.
L’érythrasma
Il est dû à Corynebacterium minutissimun, est très courant, souvent localisé dans les grands plis axillaires, inguinaux et interfessier. C’est une nappe érythémateuse brunâtre bien limitée, sans bordure surélevée, peu prurigineuse, finement squameuse. L’examen sous lampe de Wood trouve une fluorescence rouge brique. Une bonne hygiène, des topiques imidazolés ou l’érythromycine sont actifs.
Maladies virales
L’herpès
Il voit sa prévalence mondiale constamment augmenter. Deux types antigéniques ont été reconnus, HSV1 pour la partie supérieure du corps et HSV2 responsable de l’herpès génital, transmis sexuellement, et de l’herpès du nouveau-né contaminé à la naissance ; mais cette distinction n’est pas absolue, chaque type s’aventurant sur le territoire de l’autre. Dans une population infectée par l’HSV2, 20 % des patients sont symptomatiques connus, 20 % sont de vrais asymptomatiques et 60 % de faux asymptomatiques pour lesquels les signes d’herpès sont frustes ou méconnus.
Les lésions cliniques sont en effet atypiques le plus souvent. Le tableau de primo-infection bruyante et douloureuse est en fait inconstant. Lors des récurrences anales ou péri-anales, les vésicules sont éphémères et une ulcération à bordure polycyclique ou serpigineuse doit y faire penser, ainsi que le caractère récidivant au même endroit. La contagion, par transmission directe, se fait par relation sexuelle. En phase aiguë, lorsque la douleur est violente, le sujet n’est pas apte à transmettre. Mais l’excrétion virale persiste en dehors de la phase aiguë ; elle est la plus importante dans la période proche d’une récurrence ou peu après la primo-infection. Une excrétion virale péri-anale a été démontrée en cas d’herpès génital. L’isolement du virus sur culture cellulaire reste la méthode de diagnostic de référence et la sensibilité est de 77 % si les prélèvements portent sur plusieurs lésions. Une détection par PCR sera possible à l’avenir.
La sérologie n’a de valeur diagnostique que si elle est négative. Les tests actuels sont devenus très spécifiques et détectent les anticorps anti HSV2. Ainsi, Janier dans une étude parisienne a trouvé une prévalence HSV2 élevée dans une population de 487 consultants dans un centre MST. Mais seuls 9 % des porteurs d’anticorps anti HSV2 ont des antécédents cliniques d’herpès génital. La séropositivité HSV1 protège en partie contre l’HSV2 et il n’y a pas de corrélation nette avec d’autres MST.
L’arsenal thérapeutique s’est enrichi récemment avec le valaciclovir (Zelitrex®) prodrogue de l’aciclovir, le famciclovir (Oravir®) prodrogue du penciclovir et le cidofovir. Ces produits sont très utiles dans les ulcères herpétiques chroniques des sujets immuno-déprimés. Ils sont utiles lors de la primo-infection mais très peu lors des récidives.
Le foscarnet a été utilisé localement avec succès dans les ulcères chroniques de l’immuno-déprimé résistant à l’aciclovir. Une compresse imbibée de 20 ml de foscarnet appliquée
2 fois par jour, pendant un temps d’application prolongé, a permis une guérison. Tous ces médicaments permettent de traiter les poussées et de soulager la souffrance des patients. Mais ils ne peuvent prévenir les récurrences et dans certaines maladies hématologiques, les patients sont astreints à des traitements prolongés, peu satisfaisants. C’est la raison pour laquelle des essais de vaccination sont en cours, susceptibles de prévenir primo-infection et récurrence.
fig. 4 – Herpès. Cliché J. Denis.
Le zona
Il résulte de la réactivation du virus varicelle-zona devenu latent dans les neurones des ganglions nerveux para-vertébraux après une varicelle. Mais cette primo-infection peut être infraclinique, méconnue ou inapparente et une réexposition au virus peut être en cause. C’est une ganglioradiculite postérieure aiguë et la douleur radiculaire annonce souvent l’éruption cutanée unilatérale, en bandes, s’arrêtant à la ligne médiane. Des plages érythémateuses, arrondies, se couvrent en quelques heures d’un bouquet de vésicules qui, confluant entre elles, peuvent former des décollements bulleux à bordure polycyclique et évoluer vers la nécrose. Dans les zona sacrés, des troubles rétentionnels urinaires et rectaux compliquent l’éruption. Les séquelles atrophiques n’apparaissent qu’en cas de nécrose. Chez le sujet âgé, les algies post zostériennes sont très handicapantes ; pour leur prévention le valaciclovir (Zelitrex®) est utilisé chez le sujet immuno-compétent de plus de 50 ans. Ce traitement doit être administré très précocement, avant la 72e heure, à la dose de 2 comprimés, 3 fois par jour pendant 7 jours.
Les condylomes acuminés (anciennes végétations vénériennes, crêtes de coq ou verrues ano-génitales)
Ils ont beaucoup bénéficié du progrès des connaissances. Le groupe des virus des papillomes humains est devenu très nombreux grâce à la PCR et au séquençage du DNA. En 1998, 77 types ont été clonés. De nouvelles méthodes de détection des HPV étudient une trentaine de nouveaux types potentiels qui s’y ajouteront. Tous les HPV ont un tropisme pour les épithéliums stratifiés kératinisants mais il y a des variations d’affinité pour des régions anatomiques différentes. Ainsi, HPV1 préfère la peau fortement kératinisée des paumes et des plantes et HPV16 la région génitale. Toutefois, on peut trouver HPV1 dans un condylome génital. La transmission de verrues ano-génitales se fait habituellement mais non exclusivement par voie sexuelle. Dans une étude prospective d’Oriel, 97 sujets avaient eu des contacts avec des porteurs de lésions. 64 % d’entre eux ont développé des verrues génitales dans les 9 mois. Au cours d’infections expérimentales, des lésions ne sont survenues que 20 mois plus tard. Enfin, il peut y avoir auto-contamination génito-anale à partir de verrues des mains et la situation inverse est possible.
Depuis les années 1975-1980 diverses publications américaines avaient fait état d’abus sexuel pour des verrues ano-génitales de l’enfant. Ce fut le début d’une période difficile pour bien des parents qui se virent suspectés à tort, bien qu’il y ait eu d’indéniables abus ailleurs. On a su depuis qu’un enfant contaminé à la naissance pouvait ne voir apparaître des lésions ano-génitales qu’à l’âge de 2 ans et persister dans l’enfance. D’autres enfants ont été contaminés en partageant des bains.
Certains types de virus HPV sont à l’origine de lésions dysplasiques et de néoplasies diverses : cancers cutanés et génitaux externes, du col utérin, du larynx, ou de l’anus. Pour ces virus à haut risque, comme HPV 16 et 18, le génome s’intègre dans les noyaux et entrainera une désorganisation de l’architecture épithéliale. L’oncogénèse dépend encore de facteurs génétiques et environnementaux. Les papillomes sont sous immuno surveillance : la grossesse, l’immunodépression, soit par un traitement au cours de la transplantation d’organes, soit par l’infection VIH, favorisent leur développement et la transformation cancéreuse :
- Virus HPV anogénitaux à risque modéré : 6, 11, 42, 43, 51, 70, 72.
- Virus HPV anogénitaux à risque élevé : 16, 18, 30, 31, 35, 39, 40, 45, 52, 53, 54, 56, 58, 59, 64, 66-68
Transmission iatrogène : HPV 16 a été retrouvé sur des spéculum rincés avec une solution aqueuse de chlorhexidine : la chaleur est nécessaire à la stérilisation. Un autre risque concerne médecins et chirurgiens : on a pu trouver du DNA infectieux de virus HPV dans les fumées dégagées par le laser CO2 ou l’électrocoagulation ; il est susceptible de contaminer par inhalation les opérateurs.
L’aspect clinique des condylomes est bien connu des proctologues : formations pédiculées charnues, à surface villeuse. Elles confluent parfois en masse exubérante comme dans la tumeur de Büschke-Löewenstein, mais se distinguent aisément des condylomes plans de la syphilis secondaire. Dans les formes profuses, l’examen histologique recherchera des images dysplasiques et l’hybridation in situ les virus oncogènes. Les traitements sont multiples : cryothérapie pour les lésions limitées, chirurgie pour les lésions envahissantes, particulièrement dans le canal anal. Des traitements médicaux peuvent être actifs dans les formes mineures : podophylline, 5-FU. Dans un proche avenir, en France, l’imiquimod sera vraisemblablement introduit : ce traitement, déjà disponible ailleurs, modifie la réponse immunitaire : il est capable d’induire la production de cytokines diverses, dont l’interféron a, le TNFa et les interleukines 1, 6 et 8. En topique à 5 %, il apparaît avoir une activité thérapeutique significative dans le traitement des condylomes anogénitaux externes.
Maladies parasitaires
La gale
C’est une parasitose humaine commune, due à Sarcoptes scabei homini et transmise par contact inter-humain, souvent comme une MST. L’incubation est de l’ordre de 3 semaines en cas de primo-infestation, plus courte en cas de réinfestation. Elle se caractérise par un prurit généralisé à recrudescence nocturne. Le sillon scabieux est caractéristique, observable dans les sillons inter-digitaux et la face antérieure des poignets. Ailleurs, c’est un aspect de prurigo, de papules excoriées non spécifiques. Seule la topographie de l’éruption est alors évocatrice et le sommet de la courbe des fesses est l’une de ces localisations. Devant un prurigo non spécifique, il convient de rechercher le sillon spécifique de la gale dans ses localisations d’élection, les poignets, les espaces inter-digitaux, le chancre scabieux chez l’homme et le prurigo aréolaire des seins chez la femme.
Le traitement local a prouvé son efficacité s’il est bien conduit. Aucun pli ne doit échapper à l’application d’Ascabiol®, traitement de référence en France, de Lindane® ou de Pyréthrine®, et particulièrement le sillon inter-fessier. Dans les gales résistantes, profuses et croûteuses chez les immuno-déprimés, diverses publications récentes ont montré l’intérêt d’un traitement général par une prise unique d’Ivermectine®. Mais ce traitement n’est pas validé et ses effets indésirables restent à évaluer en raison du signalement d’une surmortalité dans une population de sujets âgés ainsi traités.
fig. 5 - Gale acarienne
Le Phtirius inguinalis (morpion)
L’extrémité de ses pattes est munie de crochets lui permettant de s’accrocher aux poils. C’est une petite masse grise à la limite de la visibilité, à proximité des orifices pileux. Plutôt habitué à ses localisations pubiennes traditionnelles, il peut s’égarer dans une zone péri-anale hirsute. Il se transmet à la manière des MST, par contact direct. On le trouve aussi dans les régions ciliaires chez l’enfant. La poudre Aphtiria® ou d’autres pédiculicides en sont le traitement. Les MST associées seront dépistées.
L’oxyurose
Cette parasitose cosmopolite est fréquente chez l’enfant. Enterobius vermicularis est un petit ver blanc de 1 cm pour la femelle, de 0,5 cm pour le mâle, vivant dans la région caeco-appendiculaire. La femelle fécondée descend au rectum, se fixe à la marge anale pour déposer ses œufs dans les plis radiés. Le prurit y est alors vif et le déplissement anal peut montrer le parasite à l’examinateur. Le scotch-test anal décèlera les œufs responsables de la contamination par ingestion. Chez la petite fille, le même processus entraîne une vulvite inflammatoire. Fluvermal® ou Combantrin® en sont le traitement en prise unique, à répéter 20 jours plus tard.
La schistosomiase
Des lésions cutanées génitales ou périnéales peuvent revêtir divers aspects : papuleuses ou papulo-nodulaires d’allure banale, elles peuvent devenir papillomateuses, infiltrées en plateau avec une bordure inflammatoire et plus rarement devenir tumorales et polypoïdes, alors souvent entourées de micro-papules satellites. Si le prurit est modéré, la lésion peut s’ulcérer, saigner, être à l’origine de fistules et après une évolution prolongée, se cancériser. Le diagnostic est évoqué après des bains en zone d’endémie, une éosinophilie sanguine et la mise en évidence des œufs de bilharzies entourés d’un granulome inflammatoire et parfois d’une hyperplasie pseudo-épithéliomateuse.
La Larva migrans cutanée (Larbish, dermatite rampante vermineuse, creeping disease)
Parasitose des zones inter-tropicales, c’est la pénétration accidentelle et la survie temporaire de larves d’helminthes, ankylostomes surtout, infestant diverses espèces animales. La contamination se fait à partir du sol souillé de déjections animales. Sont touchés les enfants qui jouent dans la boue et les touristes allongés sur les plages sans interposition de matelas. Le risque est plus grand sur le sable sec épargné par le flux des marées. La migration larvaire sous-cutanée est une impasse parasitaire et se traduit par une inflammation linéaire serpigineuse, précédée d’une papule prurigineuse et se déplaçant de 1 à 2 cm par jour. L’évolution est bénigne et la régression peut être hâtée par un traitement local, cryothérapie ou mieux thiobendazole (Mintezol®), uniquement disponible dans les pharmacies centrales. La préparation est à 10 % dans un véhicule, la vaseline par exemple, et se fait en écrasant 10 comprimés à 500 mg dans 50 g d’excipient.
3 à 4 applications par jour en pansement occlusif pendant 3 à 4 jours en sont la posologie.
fig. 6 – Larva migrans cutanée.
La Larva currens
Elle est comparable à la Larva migrans mais est plus rapide. Le déplacement se fait de 5 à 15 cm par heure. Elle est due à la pénétration de larves de Strongyloïdes stercoralis au cours d’un cycle d’auto-réinfestation d’une anguillulose. Le siège est le plus souvent péri-anal ou fessier. Le diagnostic est soupçonné sur l’éosinophilie sanguine et confirmé par la découverte des larves à l’examen coprologique et à la coproculture. La migration cutanée d’une filaire Loa Loa adulte peut réaliser un tableau comparable.
L’amibiase cutanée
Entamoeba histolytica est un parasite des zones intertropicales. L’ensemencement cutané de la région anale se fait à partir de selles au cours d’un épisode d’amibiase colique aiguë ou après drainage chirurgical d’un abcès hépatique, par grattage ou fistulisation d’un foyer amibien profond. Enfin, la localisation anale peut résulter d’une transmission sexuelle chez les homosexuels. Cliniquement, c’est une ulcération inflammatoire et très douloureuse, de taille variable ; les bords sont décollés, bourgeonnants, le fond est purulent et nécrotique, l’extension est rapide. On pense à ce diagnostic dans un contexte évident comme l’abcès amibien du foie. La confirmation vient de la découverte d’Entamoeba histolytica sur le frottis de l’ulcère dans du sérum physiologique. Les lésions cutanées isolées sont séronégatives.
La candidose cutanéo-muqueuse
C’est une maladie très commune. Les levures du genre Candida, où Candida albicans prédominent devant Candida tropicalis ou Candida krusei. Ce sont des saprophytes du tube digestif qui peuvent proliférer à ses deux extrémités, soit chez les jeunes enfants ou lorsque sont réunies des conditions favorables à leur développement : obésité, diabète, antibiothérapie, corticothérapie, grossesse et contraception orale et bien sûr toutes les immuno-dépressions.
Dans les plis, la phase de début, faite d’un semis de micro-pustules blanchâtres, évolue vite vers une plage érythémateuse suintante, d’une coloration rouge-sombre à bordure bien limitée et festonnée, marquée d’une collerette blanchâtre. Le fond du sillon est marqué d’une fissure et l’ensemble est revêtu d’un enduit blanchâtre fétide. En périphérie se développent des anneaux à bordure finement squameuse ou pustuleuse, multiples et extensifs. L’extension génitale est fréquente.
Un tel état doit faire rechercher les facteurs prédisposants cités plus haut, mais il peut aussi masquer une dermatose préexistante : eczéma, psoriasis, maladie bulleuse. Une corticothérapie, locale ou générale, sera facteur d’aggravation. Le traitement local est simple : hygiène, utilisation de savon alcalin, compresses avec solution bicarbonatée, applications répétées d’imidazolés, de préférence en émulsion fluide ; éviter les pommades favorisant la macération.
fig. 7 – Candidose étendue de l’enfant : large nappe vernissée à bordure festonée.
Les dermatophyties
Dues aux dermatophytes, parasites des kératinocytes humains, elles atteignent plus fréquemment le sexe masculin. Ces intertrigos s’étendent secondairement sur les cuisses et le pubis. La contamination peut être inter-humaine lors d’un rapport sexuel ou indirecte, par des vêtements de sport partagés, par exemple. Une auto-inoculation à partir d’une mycose des pieds est habituelle.
Epidermophyton floccosum, responsable de lésions symétriques, Trichophyton rubrum avec des signes atypiques et Trichophyton interdigitale en sont les agents habituels. Au début unilatérales, les lésions se développent sur la face interne des cuisses en placards arrondis, à bordure active, polycyclique, débordant sur les organes génitaux et le pli interfessier.
La limite est nette, plus inflammatoire que le centre, finement squameuse avec de petites pustules où le prélèvement mycologique identifiera l’agent pathogène après une culture de 5 à 6 semaines. Des anneaux satellites peuvent se développer alors que le centre prend une teinte bistre. Le prurit est marqué. Lorsque des applications inadaptées de corticoïdes locaux ont masqué la desquamation et réduit l’érythème, le diagnostic peut devenir difficile et l’examen mycologique perturbé.
Les maladies sexuellement transmises
Elles sont discutées ailleurs. Avec l’épidémie de sida, la syphilis est devenue rare. Toutefois on a déjà signalé des reprises dans les pays économiquement défavorisés. Les condylomes plans de siège péri-anal sont une manifestation caractéristique de la syphilis secondaire.
La gonococcie s’est aussi plus raréfiée. On la rencontre encore chez des voyageurs revenant de pays tropicaux, comme d’ailleurs le chancre mou et la maladie de Nicolas Favre.
fig. 8 – Intertrigo inguinal.
fig. 9 – Lésions syphilitiques érosives.
La donovanose (granulome inguinal ou ulcère vénérien) ne sévit que dans les zones endémiques intertropicales où cette maladie est due à une bactérie du groupe klebsiella, Calymmatobacterium granumalotosis. L’incubation est de une à plusieurs semaines. La lésion papuleuse du début se transforme en une ulcération non indurée, à surface veloutée et végétante, classiquement en margelle de puits. Si elle siège habituellement dans la région génitale, elle peut aussi être péri-anale et devenir ulcéro-végétante, nécrosante et mutilante. Elle atteint les populations jeunes, est souvent découverte pendant la grossesse chez la femme. L’examen histologique montre une hyperplasie pseudo-épithéliomateuse qui peut être trompeuse. Un frottis coloré par le Giemsa rapide permet un diagnostic rapide et sensible. Les corps de Donovan sont des corps arrondis ovalaires ou en batonnets, colorés en bleu par le Giemsa, situés à l’intérieur des histiocytes. Le traitement fait appel aux cyclines ou au Bactrim® durant 10 à 15 jours, à l’érythromycine en cours de grossesse.
fig. 10 – Donovanose périanale (cliché Pr. Grosshans)
Maladies dermatologiques
L’eczéma de contact
Il résulte du développement d’une réaction immunitaire du type IV de la classification de Gell et Coombs, mécanisme d’hypersensibilité cellulaire retardée à médiation lymphocytaire. Pendant la période de sensibilisation, silencieuse, l’allergène est pris en charge par les cellules présentatrices de l’antigène ; les lymphocytes sont informés et le mettent en mémoire. En fin de processus, le patient est capable de répondre à toute nouvelle rencontre avec l’antigène, par le développement d’une réaction d’eczéma (érythème, vésicule, suintement, prurit) au lieu même de la rencontre. Pour développer un eczéma péri-anal, l’allergène doit arriver au contact de la région. C’est rarement le fait des vêtements ; pour arriver au fond du pli, il faut y avoir été conduit et ce sont donc principalement des produits de toilette ou des topiques qui sont en cause :
- Par leur composant actif : anesthésiques locaux (groupe caïne), antibiotiques (Néomycine®), antimycosiques (imidazolés), anti-inflammatoires (Parfénac®) ;
- Par le véhicule de la préparation lui même comme la lanoline, des conservateurs comme les parabens (parahydroxybenzoate de méthyle, propyle, etc...), Kathon CG, ou des stabilisateurs (éthylènediamine) ;
- Des parfums divers et en particulier le baume du Pérou ;
- Et même des corticoïdes locaux.
Le répertoire des allergènes est très vaste et découvrir l’allergène en cause nécessite une enquête allergologique quasi policière. En outre, un test positif n’est pas forcément pertinent. Enfin, une allergie à un réactogène peut ne s’exprimer que par un prurit.
Le traitement d’un eczéma allergique n’est pas la cortico-thérapie locale qui ne peut que réduire la symptomatologie : c’est l’éviction définitive de l’allergène. La confirmation est obtenue par les tests épicutanés. La réintroduction de l’allergène n’est pas obligatoire, sauf pour un patient dubitatif qui exige la preuve par la récidive.
Les dermites d’irritation
Elles sont consécutives à l’action sur la peau d’une substance irritante, sans composante immunologique. Au maximum, c’est la bulle caustique, véritable brûlure chimique. L’irritation chronique provoque un état inflammatoire souvent accompagné de suintement : c’est aussi un eczéma mais par un mécanisme différent. On peut classer dans cette catégorie la dermite d’irritation péri-anale par utilisation de laxatifs aux anthraquinones : le métabolisme intestinal de ce produit le rend fortement irritant lorsqu’il est éliminé.
In. Memoriam. On peut encore classer dans ce groupe un état pathologique autrefois extrêmement courant et devenu très rare : c’est l’érythème fessier du nourrisson quasi-disparu depuis l’utilisation des couches jetables, pour un coût annuel de 3 000 à 4 000 F par an pour les parents. Reste encore le problème mécanique des élastiques antifuites, responsables d’irritation des cuisses, ainsi qu’un risque de sensibilisation aux ingrédients du caoutchouc.
L’eczéma atopique ne concerne curieusement jamais les fesses, peut-être en raison de l’humidité persistante de la région.
La dermite séborrhéïque
Elle est caractérisée par une desquamation grasse sur un fond brun-rouge. Elle débute au fond des plis puis s’étend rapidement. L’atteinte de la région lombo-fessière est moins fréquente que la localisation principale au visage où l’aspect est très caractéristique par l’atteinte médiane des sourcils, de la glabelle, des régions péri-narinaires, toutes zones riches en glandes sébacées.
Les sujets à peau grasse en sont atteints avec prédilection mais on la remarque aussi lors de maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, certaines maladies psychiatriques et surtout chez les sujets VIH. Le rôle de Malassezia furfur a été discuté mais les imidazolés (kétoconazole surtout) ont une action bénéfique rapide.
Le psoriasis des plis
C’est le classique psoriasis inversé, atteignant les plis plutôt que les faces d’extension des grandes articulations ; il peut aussi apparaître au cours d’un psoriasis habituel, et le diagnostic peut être difficile dans les formes pauci lésionnelles. Une atteinte périnéale doit faire rechercher les autres localisations, même mineures. Dans le pli, la lésion érythémato-squameuse est modifiée : c’est une plage érythémateuse, habituellement bien limitée, parfois accompagnée de lésions satellites en médaillon. La macération masque les squames qui fondent en un enduit blanchâtre à odeur prononcée. La surinfection bactérienne ou levurique complique le psoriasis ; ces facteurs infectieux peuvent aussi le déclencher par un phénomène de Koebner : les médiateurs de l’inflammation agissant comme une agression vont provoquer l’apparition de la lésion psoriasique (Dubertret).
Le traitement du psoriasis s’est beaucoup modifié : les corticoïdes locaux restent une bonne indication mais ceux de classe 1 sont très fortement absorbés dans les plis et susceptibles d’y provoquer rapidement des complications : vergetures, dyschromie, complications infectieuses. Le calcipotriol peut irriter les plis. Les dérivés des goudrons, très en faveur dans les pays anglo-saxons, n’ont été carcinogènes qu’après des applications trop prolongées dans les plis.
fig. 11 – Psoriasis : lésion squameuse de la convexité.
fig. 12 – Psoriasis : érythème bien limité du fond du pli.
Le lichen plan
La localisation anale de cette maladie d’étiologie inconnue et touchant la peau et les muqueuses est rare. Dans sa forme habituelle, c’est une lésion papuleuse ferme, polygonale, d’une coloration rouge-violine évocatrice et dont l’histologie est très caractéristique : hyperplasie épidermique où certains kératinocytes montrent des images de dégénérescence (corps cytoïdes), en regard d’un infiltrat dermique en miroir, lymphohistiocytaire, collé à la basale qu’il grignote. Une incontinence pigmentaire (fuite du pigment dans le derme) est habituelle et responsable des séquelles pigmentaires qui persistent plusieurs mois après la régression de l’inflammation aiguë.
Au niveau muqueuses buccales, génitales surtout, et parfois périanales, la lésion peut être érosive, douloureuse et passer à la chronicité. Le diagnostic histologique n’est alors pas facile, car l’ulcération emporte les manifestations caractéristiques de la maladie et parfois seuls les bords sont évocateurs. Le lichen érosif peut devenir néoplasique. L’importance de la participation lymphocytaire dans l’infiltrat fait penser à une pathogénie immunitaire dont le mécanisme reste mystérieux. Une association avec une hépatite C a été signalée.
Le lichen scléro-atrophique (ancien Kraurosis vulvae)
L’atteinte anale se voit exclusivement dans le sexe féminin et correspond à l’extension postérieure de l’atteinte vulvaire. Souvent révélé par un prurit, il peut être asymptomatique et n’être découvert qu’à l’examen. Il donne à la muqueuse génitale, où il débute, un aspect blanc-nacré, brillant, parfois associé à des excoriations, des ecchymoses sous-épithéliales. Il s’étend secondairement à la région anale et péri-anale décrivant des limites en forme de 8. Cette atteinte génitale peut se voir chez l’enfant mais dans 60 % des cas, c’est une maladie de la femme ménopausée. L’évolution est dominée par les risques d’atrophie scléreuse définitive et de dégénérescence néoplasique. La survenue de zones hyperplasiques ou d’ulcérations rebelles impose la biopsie pour le diagnostic précoce d’un carcinome épidermoïde. Le cancer complique rarement le lichen atrophique, mais 61 % des cancers surviennent histologiquement sur un lichen scléro-atrophique. Il convient donc d’informer la patiente de ce risque, de la surveiller régulièrement, de ne pas hésiter à biopsier en cas de doute. Chez l’adulte, le traitement fait appel aux dermocorticoïdes de classe 1 (Dermoval®, Diprolène®) au rythme d’une application quotidienne pendant au moins 3 à 4 mois. Après amélioration, les applications peuvent être espacées ; la durée du traitement est difficile à apprécier. Les arrêts trop précoces ont été suivis de récidive rapide. Dans un très grand nombre de cas, le traitement doit être poursuivi à vie. Une restitution ad integrum est rare mais on peut espérer limiter la gêne fonctionnelle et les dyspareunies orificielles. La chirurgie sera utile lors des complications mécaniques ou infectieuses comme les abcès. Une bonne hygiène est recommandée ainsi que l’adjonction de lubrifiants aux rapports.
Chez l’enfant, les corticoïdes classe 2 ou 3 sont suffisants et une régression complète peut être espérée. Il est toutefois utile de prévenir qu’une récidive à l’âge adulte est possible et que le traitement pourra en limiter les conséquences.
fig. 13 – Lichen scléro-atrophique péri-ano-vulvaire.
fig. 14 – Carcinome épidermoïde sur lichen scléro-atrophique.
L’acrodermatite entéropathique
C’est une maladie congénitale rare et caractérisée par un déficit en zinc. Elle se traduit par des lésions eczématiformes à topographie principalement péri-orificielle associées à des lésions des mains et des pieds. La diarrhée est fréquente, la croissance de ces enfants est perturbée. La compensation du déficit en zinc a permis de guérir ce déficit congénital à transmission autosomique récessive.
Des états comparables acquis ont été décrits par la suite : déficit endémique nutritionnel au Moyen-Orient, syndrome de déplétion en zinc après résection intestinale importante, après malabsorption, au cours d’alimentation parentérale mal équilibrée. Cette dernière complication est devenue rare depuis la compensation systématique en zinc en réanimation.
L’Acanthosis nigricans
C’est un épaississement cutané donnant un aspect velouté, en plage grisâtre d’abord, franchement noirâtre en évoluant, mal limité atteignant de façon élective les plis axillaires, inguinaux et inter-fessiers mais aussi creux poplités et plis des coudes, la région péri-ombilicale et parfois même palpébrale. Cette hyperplasie épidermique peut devenir papillomateuse. Huit types ont été retenus par Schwartz : une forme bénigne et familiale, associée à l’obésité, à des signes de virilisation chez la femme jeune, à des maladies métaboliques ; il peut être induit par certains médicaments : corticothérapie générale, acide nicotinique, insuline, extraits hypophysaires. Il peut enfin être paranéoplasique. C’est le cancer de l’estomac qui en est responsable dans 61 % des cas, les autres provenances étant diverses : poumon, foie, utérus, seins, ovaires ou lymphomes.
Fissures et ulcérations
Les fissures de cause proctologique sont traitées ailleurs. Citons pourtant l’aphtose ou maladie de Behçet qui, dans ses formes bipolaires, associe à des aphtes classiques de la muqueuse buccale, des ulcérations arrondies peu spécifiques de la marge anale. Ces atteintes cutanéo-muqueuses en constituent un critère diagnostique majeur. Sur les fesses, les pseudo-folliculites peuvent être observées à un stade précoce. Les autres manifestations sont oculaires, neurologiques, articulaires et vasculaires.
Maladies bulleuses auto-immunes
Certaines des grandes dermatoses bulleuses s’accompagnent d’érosions muqueuses, particulièrement génitales et péri-anales. La pemphigoïde cicatricielle en est un exemple : elle peut débuter de façon atypique et rester longtemps méconnue, évoluant vers des cicatrices rétractiles invalidantes. La localisation anale est rare (3 %). Le diagnostic se fait par immuno-fluorescence directe des dépôts linéaires d’IgG et de C3.
La dermatose à IgA linéaire touche préférentiellement les enfants. On y reconnait des bulles à groupement herpétiforme et l’atteinte périnéale et génitale est habituelle. Il n’y a pas d’entéropathie au gluten contrairement à la dermatite herpétiforme où l’atteinte muqueuse est rare.
Dans le groupe des pemphigus, les atteintes muqueuses sont caractéristiques. De nouvelles entités ont été décrites avec l’identification précise des protéines et des épitopes cibles des auto-anticorps. Les antigènes reconnus sont la desmogléine 1 et 3 pour les pemphigus superficiels et vulgaires, et la desmoplakine 1 et 2 pour les pemphigus para-néoplasiques.
La conception actuelle de ces maladies bulleuses est qu’elles résultent d’une levée plus ou moins large de la tolérance immunitaire vis-à-vis d’un ou de plusieurs antigènes épidermiques et la fixation des anticorps sur leur cible perturbe les fonctions d’adhérence inter-kératinocytaire. Les progrès des connaissances physiopathologiques ne s’accompagnent pas encore de progrès thérapeutique, la corticothérapie générale et l’immuno-suppression restant la base du traitement. Toutefois, dans certaines formes, un traitement local par dermocorticoïdes de classe I a permis d’économiser sur la corticothérapie générale, particulièrement chez les sujets âgés et fragiles.
fig. 15 – Pemphigus : érosions post-bulleuses extensives à partir des atteintes des plis.
Le pemphigus bénin familial
On le nomme aussi maladie de Hailey-Hailey. C’est une génodermatose débutant à l’âge adulte, bénigne au contraire des pemphigus, évoluant par poussées estivales, caractérisées par la survenue de lésions bulleuses dans les plis. L’histologie observe un clivage intra-épidermique avec acantholyse et cellules dyskératosiques. Ce trouble congénital de la cohérence inter-kératinocytaire, non immunitaire, est encore mal expliqué. L’examen clinique trouve des érosions humides avec des croûtelles jaunâtres. Des fissures ou rhagades parallèles à la périphérie des érosions sont spécifiques. L’extension est variable selon les patients. À l’extrême, tous les plis peuvent être atteints ; la gêne fonctionnelle et le retentissement sur la qualité de la vie sont considérables. Si certains aspects cliniques sont comparables à la maladie de Darier, le traitement par les rétinoïdes n’apporte ici aucun secours. L’excision chirurgicale des zones atteintes a été proposées avec des succès inconstants. Des contrôles de la surinfection par des antibiotiques locaux, par les imidazolés en cas de candidose, par la corticothérapie locale pour limiter l’inflammation apportent quelques soulagements. Certains cas ont été améliorés par la thalidomide mais cette indication reste à valider. Dans les formes graves le méthotrexate a été proposé mais le traitement spécifique reste à découvrir ; on peut même se demander si ce tableau clinique est univoque et ne recouvre pas des facteurs étiologiques divers.
Les granulomatoses
Dans le groupe des granulomatoses, l’érythème, l’infiltration ou l’ulcération des manifestations périanales n’ont pas de caractère spécifique, et l’histologie peut ne pas être parlante au début ; il faut savoir la renouveler.
fig. 16 – Pemphigus bénin familial de Hailey-Hailey : aspect caractéristique des rhagades, en périphérie des décollements bulleux.
La tuberculose cutanée orificielle
Devenue rare, elle est considérée comme une forme d’auto-inoculation ou le résultat d’une dissémination lymphatique ou hématogène. Elle survient chez des sujets en mauvais état général, immunodéprimés, porteurs d’une tuberculose connue. La localisation péri-anale suit en général une tuberculose intestinale. Le granulome tuberculoïde à l’histologie n’est pas toujours très spécifique mais la PCR permet actuellement d’y trouver les bacilles de Koch. Avant d’instituer le traitement général, il conviendra de rechercher la source de la contamination anale.
Histiocytose langerhansienne
La localisation péri-anale de cette maladie réactionnelle caractérisée par un granulome à cellules de Langerhans existe aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Les atteintes plurifocales ont un plus mauvais pronostic que les formes isolées. Les lésions cutanées, initialement papuleuses, jaunes ou brunâtres, avec une desquamation superficielle, vont facilement s’éroder dans les plis. L’examen histologique, immuno-histochimique et ultrastructural est indispensable et caractéristique. Le pronostic dépend de l’âge du patient, de l’étendue de la maladie et de la gravité de l’atteinte des organes vitaux. Les lésions tissulaires sont probablement en rapport, au moins en partie, avec la production locale de cytokines.
fig. 17 – Histiocytose langerhansienne, infiltration et ulcération péri-anale chez l’enfant.
La granulomatose Wegener
C’est une vascularite systémique granulomateuse avec des atteintes ORL, pulmonaires et rénales. Le pronostic n’est pas bon et lié à la gravité des atteintes viscérales. Les AC dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont devenus les marqueurs de la maladie. Une observation récente a fait état d’ulcération périanale.
Malakoplakie
C’est une maladie mystérieuse avec dans 75 % des cas une localisation uro-génitale, pour 12,5 % une atteinte viscérale digestive et avec une atteinte cutanée pour 4 % des cas. Il s’agit cliniquement d’ulcérations croûteuses ou suintantes, de nodules ou de plaques, soit indurées et ligneuses, soit infiltrantes et molles. L’histologie est caractéristique : au centre d’un infiltrat inflammatoire polymorphe, on trouve de larges plages de cellules claires à cytoplasme éosinophile et spumeux, les cellules de Von Hansemann. Ce sont des macrophages renfermant des granulations cytoplasmiques et les corps de Michaelis et Gutman contenant des structures calcaires et ferriques, d’aspect concentrique en bulbe d’oignon ou en œil d’oiseau et correspondant à des débris bactériens. La raison de cette réaction macrophagique anormale contre des germes banals n’est pas claire et l’immunodépression inconstante. Le pronostic est médiocre et dépend de l’atteinte rénale. La maladie est aggravée par les corticoïdes et la colchicine ; les antibiotiques sont décevants sauf peut être les quinolones en traitement prolongé ; la chirurgie est souvent suivie de récidive. Un succès par association Clofazine®-Bactrim® doit encore être validé.
Tumeurs
Séparer les tumeurs des maladies infectieuses virales peut sembler artificiel : on connait en effet l’origine virale des condylomes acuminés bénins pour la plupart. Ils peuvent devenir malins sous certaines conditions. Nous avons conservé cette classification pour des raisons de commodité.
Tumeurs bénignes
Le naevus pigmentaire (ou grain de beauté) est une dysembryoplasie bénigne connue de tous. Un hamartome est une tumeur comportant un agencement anormal de cellules normales. Cette distinction ne permet pas de tout classer, et une récente controverse nosologique sur la définition de chacun de ces termes n’a pas encore abouti à un accord. Il est impossible d’énumérer l’intégralité des tumeurs bénignes de diverses origines, congénitales ou acquises. Citons deux exemples extrêmes : l’un très commun, le molluscum pendulum : masse charnue, molle, avec un pédicule étroit, souvent pigmenté dans les plis où il peut s’ulcérer, son axe vasculaire se thromboser et devenir douloureux. L’autre exemple est à l’opposé : des plaques papuleuses blanchâtres du périnée, peu évocatrices cliniquement, vont être reconnues à l’histologie pour être un naevus épidermique acantholyque et dyskératosique, une forme naevoïde de maladie de Darier. Seul l’examen histologique peut permettre de reconnaitre la nature parfois complexe d’anomalies macroscopiquement peu évocatrices.
fig. 18 – Condylomes acuminés péri-anaux de l’enfant.
fig. 19 – Condylomes acuminés géants du périnée.
Tumeurs malignes
Les carcinomes ano-génitaux ont une incidence augmentée de 100 fois après les transplantations d’organes et surviennent 7 à 8 ans après la greffe. Leur potentiel invasif est élevé et un diagnostic précoce n’est possible que par une surveillance systématique des patients. Nous nous limiterons à évoquer certaines particularités dermatologiques de ces cancers, étudiés par ailleurs.
Le carcinome baso-cellulaire
Cette tumeur très fréquente de la peau des blancs est presque toujours située sur les parties photo-exposées. Depuis plus de deux décennies, la photothérapie de maladies dermatologiques comme le psoriasis, a pu induire sur les parties génitales des cancers cutanés. La localisation péri-anale est exceptionnelle et ne représente que 5 % des cancers de cette région. L’âge moyen est supérieur à 60 ans avec une prédominance masculine, et des observations chez le sujet noir n’ont été rapportées que récemment.
Les signes fonctionnels sont mineurs ou absents. La découverte d’une anomalie de surface, une ulcération, un saignement peut motiver la consultation. Mais c’est très souvent une découverte d’un examen systématique.
Cliniquement, c’est une tumeur bien limitée, translucide, soit nodulaire ou globuleuse, soit polylobée ou en plaque entourée d’un bourrelet perlé. Le caractère translucide de cette tumeur est assez caractéristique. Elle est parfois recouverte d’une télangiectasie. Elle peut être tatouée, c’est-à-dire pigmentée par la mélanine à tel point qu’elle peut simuler le mélanome malin. C’est une tumeur qui ne métastase jamais, sauf dans les formes étendues à évolution très prolongée, confirmant ainsi le caractère cancéreux que certains avaient mis en doute. L’exérèse complète vérifiée histologiquement en est le traitement.
Le carcinome épidermoïde
56 % des carcinomes anaux sont de cette nature. Il est un peu plus fréquent chez la femme mais plus agressif chez l’homme. Au Danemark, son incidence a triplé depuis 1960. Parmi les facteurs favorisants, on cite le tabac, les dysplasies cervicales, le multi partenariat sexuel, l’homosexualité, la maladie de Crohn et l’infection aux virus HPV. Le rôle de HSV2 reste controversé. Il peut survenir sur une cicatrice de lichen scléro-atrophique ou de tuberculose, sur une radiodermite ou même une ancienne fistule pilonidale. Le diagnostic doit être précoce et toute infiltration dure, toute ulcération infiltrée ou tumeur végétante ou polypoïde doit être biopsiée.
fig. 20 – Carcinome basocellulaire du périnée chez un sujet âgé.
fig. 21 – Carcinome spinocellulaire monstrueux du périnée.
La maladie de Büschke-Löwenstein
Elle est actuellement considérée par de nombreux auteurs comme un carcinome verruqueux de la muqueuse ano-génitale associé à l’infection HPV. Son comportement est localement agressif : la tumeur devient exophytique, bourgeonnante en chou fleur, parcourue de nombreuses anfractuosités ; son extension est aussi endophytique comprimant, repoussant et détruisant les tissus sous-jacents. Chez l’homme elle siège préférentiellement dans le sillon balano-préputial, chez la femme sa localisation est vulvaire. Les localisations périanales et ano-rectales sont moins fréquentes. L’examen histologique montre une exagération papillomateuse des condylomes, l’épiderme massivement hyperplasique et exophytique avec des cellules vacuolisées dans la couche granuleuse. Il s’y associe un développement endophytique respectant longtemps la membrane basale. Des biopsies multiples sont nécessaires pour mettre en évidence des images de dysplasie, de carcinome in situ ou bien le début du caractère invasif avec rupture de la membrane basale. Les métastases ganglionnaires des parties molles ont été rapportées après une radiothérapie qui rend la tumeur anaplasique, mais aussi après une évolution prolongée. Les virus HPV retrouvés par l’hybridation in situ ont été des types 6 et 11 faiblement oncogènes, mais aussi 16 et 18 et plus récemment 54. Le traitement chirurgical est souhaitable lorsqu’il est possible. On a pu proposer un traitement général par rétinoïde (Acitrétine®) qui permet de réduire la masse tumorale. L’interféron a, est plutôt considéré maintenant comme un adjuvant post-chirurgical. Des chimiothérapies à la Bléomycine® ont encore été proposées.
On tend actuellement à considérer cette entité comme une variété de carcinome épidermoïde corrélé à l’infection HPV avec une évolution in situ prolongée et une dissémination métastatique tardive, si elle n’est pas précipitée par une radiothérapie.
La papulose bowénoïde
C’est une MST de l’adulte jeune autour de 30 ans qui intéresse les deux sexes. Ce sont des lésions ano-génitales papuleuses ou planes peu inquiétantes, de 1 à 3 mm de diamètre, multiples, avec pigmentation brune-violine sur le versant cutané, rouge sur le versant muqueux. Le prurit attire souvent l’attention. L’histologie est celle d’une maladie de Bowen avec désorganisation architecturale et atypie cellulaire ; elle est interprétée actuellement comme AIN (anal intra-epithelial neoplasia), par analogie au VIN vulvaire de même étiologie. La biologie moléculaire y reconnait un HPV16 dans 60 à 80 % des cas, mais aussi HPV 18, 31, 33, 39. On la distingue de la maladie de Bowen vraie, à histologie identique mais de survenue beaucoup plus tardive, où le risque de cancer invasif est estimé à 25 %. Elle peut apparaitre et se développer pendant la grossesse ou lors de tout épisode de dépletion en lymphocytes CD4, par forcément liée au VIH. Des cas pédiatriques ont été rapportés, liés à une contamination néo-natale ou un abus sexuel. L’évolution vers un cancer invasif est exceptionnelle et des cas de régression spontanée ont été rapportés chez l’immuno-compétent. Le traitement peut être médical (5-FU, podophylline) ou chirurgical par cryothérapie, électrocoagulation, laser CO2, excision. Chez les sujets immuno-déprimés, des formes extensives sont susceptibles de devenir invasives et une surveillance semestrielle est nécessaire. Chez la femme, des dysplasies cervicales sont à rechercher. Enfin, le ou les partenaires sexuels doivent être examinés et les autres MST dépistées.
fig. 21 – Carcinome spinocellulaire monstrueux du périnée.
La maladie de Bowen vraie
Elle revêt des aspects variés selon le degré d’humidité de la zone atteinte. Plaque sèche, desquamante, rouge et ulcérée, ou plaque rouge humide et veloutée dans les plis. Elle est plus rare en région génito-anale qu’ailleurs sur la peau. C’est un carcinome épidermoïde in situ dont la croissance est lente et les limites bien tracées. Il atteint des sujets relativement âgés, en général autour de 60 ans. De rares observations de forme pigmentée ont été rapportées où la mélanine, abondante dans les couches basales peut aussi être démontrée dans les mélanophages dermiques. L’examen histologique fait le diagnostic. Des séquences virales HPV ont été trouvées dans le génome des cellules.
fig. 23 – Maladie de Bowen. Cliché J. Denis.
La maladie de Paget
La maladie de Paget du mamelon peut être considérée comme l’extension cutanée d’un épithélioma galactophorique et se caractérise histologiquement par l’envahissement de l’épiderme et des parois pilaires par des cellules de Paget aisément reconnaissables. Or la glande mammaire est ontogéniquement une annexe cutanée et une glande à sécrétion apocrine. Des maladies de Paget extra-mammaires ont été décrites dans les régions où il y a des glandes sudorales apocrines : la vulve, les régions péri-anales, mais aussi la région génitale de l’homme, le pubis, les fesses et la région axillaire. Les études immunohistochimiques semblent démontrer que la cellule de Paget dérive de l’épithélium sudoral. Si la maladie de Paget survient isolément le plus souvent, elle est parfois associée à un cancer profond. Le traitement doit tendre à l’exérèse complète : c’est le plus difficile en raison de la nature multi-centrique de la maladie, de ses bords mal définis et de la fréquente sous-estimation de son étendue réelle.
fig. 24 – Maladie de Paget extra-mammaire étendue à tout le périnée.
Le mélanome malin
Développé à partir des mélanocytes, c’est un cancer redoutable en raison de sa tendance très précoce à essaimer et de son peu de sensibilité aux moyens chimiothérapiques actuels. Sa survenue ano-rectale n’est pas fréquente : 1 % des tumeurs de la région. On l’estime à 25 cas par an en France. Il est souvent méconnu et toute tumeur pigmentée péri-anale, du canal anal et de la jonction ano-rectale doit être excisée. Mais le mélanome peut être achromique dans 25 % des cas. Le pronostic dépend de l’épaisseur de la tumeur (indice de Breslow) sa détection précoce est essentielle, mais la situation anale ne s’y prête guère. La découverte tardive, l’épaisseur importante, 7 mm dans une série, alors que la limite est de 0,7 mm pour un assez bon pronostic, font que la survie n’est que de 10 % à 5 ans. Il faut donc penser au mélanome devant toute anomalie tumorale, pigmentée ou non, et en faire un examen histologique. Depuis 2 ans, un nouveau protocole (Kirkwood) par l’interféron a à forte dose a été institué en traitement adjuvant des mélanomes à risques avec des résultats semble-t-il plus prometteurs.
fig. 25 – Mélanome : forme cutanée du haut du sillon interfessier,
à type de naevus mollusciforme géant, l’aspect inflammatoire, la polychromie signe le mélanome.
La maladie de Kaposi
Des séquences virales de HSV8, un herpès virus initialement découvert par Cheng dans le Kaposi du sida, ont été trouvées depuis peu dans les formes non liées à l’infection VIH, aussi bien dans les lésions que dans le génome des cellules monocluéées sanguines. Un Kaposi transitoire a été signalé lors d’une primo-infection à HSV8. C’est aussi la première affection maligne à apparaître après une greffe d’organe, en moyenne après un an de ciclosporine et 2 ans d’azathioprine associé à des stéroïdes. Sa régression spontanée a été observée après l’arrêt du traitement immuno-supresseur. C’est le marqueur d’une immuno-dépression profonde.
Les atteintes cutanées et muqueuses précèdent celles des organes profonds, pulmonaires et digestifs. Chez les homosexuels de la cohorte de San Francisco, le risque est corrélé aux antécédents de MST et au nombre de partenaires. Les nouveaux traitements de l’infection VIH et peut-être les nouvelles conduites influencées par les campagnes de « Safer Sex » ont réduit son incidence dans le sida. S’il n’y a pas de traitement entièrement satisfaisant, le dermatologue doit rappeler l’intérêt de traitements locaux pour des lésions isolées susceptibles de provoquer une gêne particulière de par leur situation. La cryothérapie a ainsi pu réduire de telles lésions, ainsi que l’injection d’antimitotique in situ, bien que cette dernière technique soit relativement douloureuse.
fig. 26 – Kaposi du Sida.
PRURIT ANAL
Le prurit est un signe fonctionnel subjectif, quotidiennement rencontré, mais que bien souvent on a de la peine à expliquer. Les enseignements de la physiologie et l’expérience clinique nous ont appris ses relations étroites avec la douleur. Sa définition, une sensation déplaisante de la peau qui induit un besoin impérieux de se gratter est peu satisfaisante pour l’esprit. La sémantique analytique s’est attachée à discuter des différences entre prurits, démangeaisons et chatouillements, mais dès 1923 Jules Romain en fit une critique acerbe dans « Knock ou le Triomphe de la Médecine ». On peut pourtant dire que le prurit est limité à la peau alors que seule la douleur s’exprime dans les organes profonds. Prurit et douleur résultent de l’activation des extrémités nerveuses libres situées à la jonction dermo-épidermique. Les anciens avaient démontré que le prurit résultait de la stimulation infra-liminaire des récepteurs de la douleur. La nature certainement très diverse des stimuli est un vaste champ d’études où l’intervention des cytokines sera très certainement démontrée.
L’urticaire résulte de la libération d’histamine à partir des mastocytes et induit un prurit et une sensation de brûlure qui a été comparée à la réaction provoquée par l’ortie (urtica en latin). Les antihistaminiques anti H1 y sont efficaces le plus souvent. Par une approximation un peu légère, on a eu tendance à les proposer dans tout prurit avec des résultats variables. Si un effet est obtenu, c’est en général par un effet sédatif qui élève le seuil de réponse nerveuse.
Le prurit anal est un motif fréquent de consultation chez l’homme blanc de classe moyenne et d’âge moyen, au dire des auteurs anglais. Il est moins fréquent chez les femmes (1 femme pour 3 hommes), il est alors associé au prurit vulvaire. L’examen clinique soigneux va rechercher son caractère symptomatique :
- D’une maladie dermatologique spécifique où la localisation anale accompagne d’autres localisations et il est important d’examiner la surface cutanée en totalité sans pourtant se laisser abuser par les complications du prurit :
- Lichénification ou excoriations, secondaire au grattage prolongé,
- Impétiginisation,
- Eczématisation par réaction d’irritation ou par réaction allergique à un topique ;
- D’une cause mécanique par difficultés d’hygiène : obésité provoquant la macération, anus profondément situé, hirsutisme ; les patients avec une colostomie n’ont pas de prurit anal. Des selles fréquentes le favorisent. Ce sont des patients souffrant de tension nerveuse ; le côlon, nous disent les psychiatres, est la caisse de résonance des émotions ;
- D’une origine proctologique objectivable avec fuites anales :
- Par cause locale : hémorroïdes, fissures, marisques qui troublent la fonction anale,
- Par dysfonctionnement sphinctérien véritable ;
- D’une maladie générale : diabète souvent compliqué de candidose, maladie métabolique ou hormonale, cancer profond de diverses origines dont le colon, ou hémopathie :
lymphome ou polyglobulie.
Lorsque toutes les étiologies dermatologiques, procto-logiques et générales ont été éliminées, reste le prurit idiopathique, celui pour lequel aucune cause précise n’a pu être démontrée, ou qui résiste lorsqu’une cause supposée a pu être éliminée.
Une surveillance clinique est souhaitable car le prurit peut parfois précéder de longtemps une cause organique, locale ou une maladie systémique, particulièrement néoplasique.
Lorsqu’il apparaît hors de proportion avec les constations cliniques, des facteurs psychologiques sont invoqués et bien sûr la région ano-génitale est fortement investie au dire des psychanalystes. Il est utile de se reporter à l’intéressant travail de A. Laurent : dans sa conclusion, il lui semble arbitraire d’attribuer une origine psychogène aux prurits anaux bien qu’un facteur psychologique puisse être présent pour certains patients. Par ailleurs, mettre en cause le refoulement d’une homosexualité ne résiste plus à la critique. Il est parfois difficile de prouver une cause organique et bien des exemples ont montré que le prurit peut précéder les manifestations objectives. Les patients doivent être surveillés régulièrement et conseillés avec circonspection. Comme il n’y a pas de consensus sur le traitement, les propositions subjectives sont nombreuses. Citons les injections intradermiques de Bleu de méthylène associé à un anesthésique. Les urines bleues et un pourtour anal de la même couleur ont évidemment un fort impact psychologique. La balance bénéfice-risque doit rester à l’esprit.
fig. 27 – Lichénification périanale, consécutive au prurit (cliché Pr. Grosshans).
ANOMALIES MINEURES DU DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE |
MALADIES CUTANÉES PÉRI-ANALES ET PÉRINÉALES MALADIES INFLAMMATOIRES |
TUMEURS | |
---|---|---|---|
INFECTIEUSES | DERMATOLOGIQUES | BENIGNES | |
Hémangiomes (nourrissons) | Bactériennes Portage staph. Mal. Strepto.péri-anale infantile Pseudomonas aeruginosa Gangrènes | Eczéma de contact Dermite séborrhéïque Psoriasis Lichen plan Lichen scléro atrophique | Naevus et hamartomes Molluscum pendulum Naevus épid. dyskératos. acantholyt. Endometriose |
Hémolymphangiomes | Erythrasma | Acrodermatite entéropathique | |
Acanthosis nigricans | MALIGNES | ||
Virales | Aphtose | Epithélioma baso-cellulaire | |
Herpes-Zona | |||
Sinus pilonidaux | Condylomes HPV | Maladie bulleuse auto-immune | Carcinome épidermoïde |
Pemphigoïde cicatricielle | Carcinome verruqueux | ||
Parasitaires | Pemphigus végétant | (Büschke Löewenstein) | |
Gale | |||
Phtiriase | Pemphigus bénin familial | Papulose bowenoïde | |
Oxyurose | |||
Protrusion pyramidale périnéale infantile | Schistozomiase | Hidrosadénite-(Verneuil) | |
Larva migrans, currens | Paget extra mammaire | ||
Amibiase cutanée | Granulomes | ||
Candidose | tuberculose | Mélanome | |
Trichophyties | hystiocytose X | ||
Wegener | Kaposi (VIH) ou non | ||
MST | Malakoplakie | ||
Syphilis | |||
Gonococcie | Manifestations anales des maladies | ||
Donovanose | inflammatoires du tube digestif | ||
Nicolas-Favre | Crohn | ||
Chancre mou | |||
Sida |
Que proposer alors ?
- Un pli doit être sec et les sous-vêtements de coton,
- Une bonne hygiène locale : savon neutre ou syndet émollient,
- Eviter les topiques irritants : solutions acides, ammoniums quaternaires, les antiseptiques, qui en cultures in vitro, tuent 100 % des kératinocytes,
- Et les topiques sensibilisants : anesthésiques locaux, certains stéroïdes,
- Condamner définitivement la radiothérapie locale.
Les conseils doivent être circonspects pour éviter des conduites obsessionnelles.
Pour en savoir plus
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