Article : Défécographie | Proktos

Article : Défécographie

Article : Défécographie

Par Pr. Laurent SIPROUDHIS

Préambule

Les anomalies de la fonction anorectale sont fréquentes qu'il s'agisse de difficultés d'évacuation anorectale (on parle de constipation d'évacuation) ou de difficultés de retenue du contenu intestinal (on parle d'incontinence fécale). Lors d'une enquête récente de sondage menée auprès d'un groupe représentatif de la population française (7196 personnes ont répondu), 29,1% des personnes interrogées (N = 2097 ; femmes : 63,3%) déclarent avoir eu des phénomènes de constipation d'évacuation (22,4%), et/ou des troubles de la continence (16,2%) au cours des 12 derniers mois. Ces phénomènes sont parfois répétés et préoccupants au point qu'ils vont motiver la réalisation d'examens utiles à mieux comprendre les plaintes rapportées. La défécographie représente une de ces explorations. Elle a pour objectif d'observer ce qu'il se passe durant une défécation. La méthode d'observation fait appel à des moyens radiologiques.

Méthode

Lorsqu'on souhaite observer la défécation au cours d'un examen radiologique, plusieurs conditions vont être rassemblées pour permettre à la personne examinée d'être dans une situation la plus proche possible de ses habitudes quotidiennes et au médecin d'examiner le mieux possible les mouvements du périnée.
Pour ce faire, un produit opaque aux rayons X et ayant une consistance comparable aux selles est introduite par l'anus au moyen d'une ou plusieurs seringues. Le volume injecté est de l'ordre de 200 à 250 ml. Afin de pouvoir observer le mouvement des organes pelviens environnant, la cavité du vagin et les anses intestinales sont également repérées par l'administration d'un produit opaque à ces niveaux. La personne examinée est ensuite assise sur un siège d'aisance dans une position comparable à celle des toilettes.


Figure 1 : Siège d’aisance pour la réalisation de la défécographie.


Figure 2 : Position assise dans la salle de radiologie ; « l’ambiance » doit être aussi intime que possible.

Un enregistrement est ensuite effectué. Des radiographies et un enregistrement radioscopique sont effectués en position de repos, lors de la contraction des muscles du petit bassin et du périnée (effort de retenue) mais également lors de la défécation.


Figure 3 : Aspect au repos. Opacification du vagin à gauche, du rectum à droite et des anses intestinales au dessus.


Figure 4 : Aspect en poussée. On assiste à une évacuation partielle du rectum lors de la défécation.


Figure 5 : Aspect en poussée. On assiste à une descente inhabituelle des anses intestinales dans le petit bassin (entérocèle).

Les produits sont bien tolérés et leur introduction n'est pas douloureuse. Il n'est pas nécessaire d'effectuer de préparation ou d'être à jeun avant cet examen. Du fait du recours aux rayons X, cette méthode ne peut pas être envisagée en période de grossesse. L'examen dure environ 30 minutes (préparation comprise) mais le temps de l'examen radiographique n'excède habituellement pas deux minutes.

Résultats

L'obtention des données radiographiques permet de préciser plusieurs éléments importants que sont :
La capacité à vider la partie terminale du gros intestin (rectum). La qualité de l'évacuation est appréciée par la vitesse avec laquelle le produit opaque est éliminé, la quantité de produit éliminé et la présence d'une accumulation localisée de celui-ci.
L'aptitude de l'anus et des structures musculaires qui l'entourent (sphincters) à se relâcher de façon efficace lors de la défécation.
Les anomalies de soutien des structures viscérales du petit bassin qu'il s'agisse de la mobilité de la paroi du rectum, des anses intestinales, du fond du vagin ou du plancher du périnée.
Si l'évacuation du produit opaque est obtenue de façon complète en moins d'une minute, si l'ouverture du canal anal est large et s'il n'existe pas de mobilité anormale de la paroi rectale, l'examen est considéré comme normal.

Anomalies observées

L'absence d'évacuation ou le caractère très incomplet de la vidange du rectum permet d'affirmer de façon objective qu'il y a une constipation d'évacuation. Ce constat a une grande importance dans les conseils de traitement qui seront donnés. Dans cette situation particulière en effet, les médicaments laxatifs utilisés pour ramollir les selles ont peu de chance d'être efficace. Le plus habituellement, cette évacuation incomplète est liée, soit à un défaut d'ouverture de l'anus soit à une mobilité anormale de la paroi du rectum qui en gêne l'évacuation.
L'absence d'ouverture satisfaisante de l'anus lors de la défécation est le plus habituellement liée à une contraction inappropriée des muscles du petit bassin et notamment ceux qui assurent la continence de l'anus. Cette anomalie fonctionnelle est appelée dyssynergie ou anisme. Elle n'est habituellement pas accessible à un traitement médicamenteux mais peut faire l'objet d'une rééducation.
Les troubles de la mobilité des organes du petit bassin peuvent occasionner une sensation de " boule " vaginale ou anale, une sensation de besoin défécatoire ou encore être responsable d'un obstacle à l'évacuation du contenu du rectum. Les anomalies les plus fréquentes sont représentées par une hernie de la paroi antérieure du rectum dans le vagin (on parle de rectocèle) ou par un retournement de la paroi du rectum sur elle-même (à la façon d'une chaussette ou d'une manche de vêtement qu'on enlève) : on parle de prolapsus. D'autres anomalies plus rares peuvent également être observées : descente excessive du plancher du périnée (périnée descendant), descente excessive de l'intestin grêle à la façon d'une hernie (entérocèle)(figure 5).

Limites et intérêt de l'examen

On a reproché à la méthode d'être en définitive assez éloignée des conditions habituelles de défécation parce que la personne est examinée dans un lieu peu propice à l'intimité (salle de radiologie, personnel médical), parce que le produit évacué n'est pas une selle normale et parce qu'on lui demande de faire cette évacuation " sur commande ". C'est, à l'inverse, un examen qui peut être réalisé dans n'importe quel cabinet de radiologie et qui n'impose pas d'investissement onéreux. Il apporte des informations dynamiques importantes qu'aucun autre examen ne saurait donner, notamment par la mesure de la cinétique d'évacuation. Il garde, de ce fait, un grand intérêt dans deux importantes indications : chez les personnes qui perçoivent une mobilité anormale des organes du petit bassin lors de l'effort ou de la défécation (prolapsus anal ou génital) et chez les personnes qui souffrent principalement d'un trouble de l'évacuation rectale alors que la consistance des selles est normale (spontanément ou sous laxatifs).

Conclusion

Lorsqu'un médecin expérimenté examine des personnes souffrant d'un trouble fonctionnel de la région anorectale, il peut mettre en évidence des anomalies par son seul examen clinique mais il a souvent besoin de la défécographie pour confirmer son diagnostic et vérifier qu'il n'existe pas d'autre anomalie associée importante à prendre en compte avant de proposer un traitement.

Mis en ligne en janvier 2018

Pour en savoir plus

  • Groupe de recherche en proctologie. Prévalence et retentissement des troubles de la défécation et de la continence dans la population française. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:A122
  • Pfeifer J, Oliveira L, Park UC, Gonzalez A, Agachan F, Wexner SD. Are interpretations of video defecographies reliable and reproducible ? Int J Colorectal Dis 1997 ;12:67-72
  • Shorvon PJ, McHugh S, Diamant NE, Somers S, Stevenson GW. Defecography in normal volunteers : results and implications. Gut 1989;30:1737-1749
  • Agachan F, Pfeifer J, Wexner SD Defecography and proctography. Results of 744 patients. Dis Colon Rectum 1996;39:899-905
  • Mellgren A, Bremmer S, Johansson C, Dolk A, Uden R, Ahlback SO, Holmstrom B Defecography. Results of investigations in 2,816 patients. Dis Colon Rectum 1994;37:1133-1141.