Article : Douleurs anales et accouchement | Proktos

Article : Douleurs anales et accouchement

Article : Douleurs anales et accouchement

Par Dr. Franck DEVULDER

INTRODUCTION

Le risque de voir apparaître des douleurs anales au décours de l'accouchement est une crainte légitime et fréquente rencontrée chez les futures mamans. La fréquence et le caractère parfois très parlant de la symptomatologie peut être source de nombreuses interrogations et d'une certaine angoisse. Les douleurs anales du post partum sont essentiellement le fait de la fissure anale et de la maladie hémorroïdaire. Plus rarement, elles sont à mettre sur le compte de suppurations ou encore de complications de maladie inflammatoire spécifique comme la maladie de Crohn.

LA FISSURE ANALE

Faible en fin de grossesse, son incidence augmente nettement après l'accouchement. Elle se rencontre chez un peu plus d'une patiente sur 10. La symptomatologie est assez typique avec l'apparition d'une douleur vive ayant un rythme à 3 temps : la douleur survient lors du passage de la selle, puis son intensité diminue nettement avant de revenir de plus belle pour plusieurs heures. Cette douleur fissuraire s'associe parfois à des rectorragies de sang rouge clair. Enfin, l'intensité de la douleur s'accompagne assez souvent d'une constipation "réflexe".

Cliniquement, cette fissure siège préférentiellement au pôle antérieur de l'anus. Il s'agit d'une fissure jeune dont les bords ne sont pas décollés. Cette fissure est rarement infectée. La particularité clinique de cette fissure est l'absence d'hypertonie sphinctérienne associée.
Cette caractéristique clinique confirmée par l'absence d'augmentation de pression au niveau du canal anal en manométrie a conduit certains auteurs à conclure à l'existence de facteurs obstétricaux à l'origine de cette fissure. En fait, le principal facteur de risque revient à la constipation et en particulier à la constipation terminale. Certains auteurs semblent également mettre en évidence le rôle néfaste des accouchements traumatiques mais nous manquons encore de données pour confirmer cette hypothèse.

Le traitement de la fissure anale du post partum repose sur la régularisation du transit et l'usage de topiques locaux. La régularisation du transit sera obtenue par une bonne hygiène de vie (consommation de fibres, hydratation, activité physique) au besoin aidée par la prise de laxatifs mucilagineux, huileux ou osmotiques sans danger pour la maman et son bébé. L'adjonction de topiques locaux sous forme de pommade et de suppositoire permettra dans la plupart des cas une cicatrisation de la fissure en quelques semaines. Le recours au traitement chirurgical doit rester exceptionnel après l'échec d'un traitement médical bien conduit sur une période de 6 à 8 semaines.

LA MALADIE HEMORROÏDAIRE

La maladie hémorroïdaire est fréquente. Sa prévalence dans la population générale fluctue selon les auteurs de 5 à 85%. Dans le post partum, les douleurs anales liées à une maladie hémorroïdaire sont essentiellement le fait des thromboses. La fréquence de survenue des thromboses hémorroïdaires après un accouchement varie de 12 à 34%. Celles-ci surviennent en général dans les heures suivant l'accouchement.

Cliniquement, ces thromboses du post partum se présentent souvent sous forme de vaste tuméfaction œdématiée de la marge anale. Les caillots y sont difficilement identifiables. Ces thromboses sont responsables de vives douleurs. On rencontre également la classique thrombose hémorroïdaire externe déjà évoquée dans PROKTOS.com. Celle-ci se présente sous la forme d'une tuméfaction violacée où on repère facilement un caillot.
Là aussi, le principal facteur favorisant les thromboses est la constipation, en particulier la constipation d'exonération. Cependant, il est clair, si on en juge par leur fréquence élevée dans les suites immédiates d'un accouchement, qu'à côté de la constipation et des antécédents hémorroïdaires personnels et familiaux, l'accouchement par voie basse joue lui-même un rôle prépondérant dans la survenue des thromboses hémorroïdaires. Cela est d'ailleurs confirmé par deux études françaises rapportant le rôle délétère des accouchements traumatiques (temps d'expulsion prolongé, poids de naissance élevée).

La "classique" thrombose hémorroïdaire externe sera traitée par l'excision sous anesthésie locale. En revanche, le traitement de la thrombose œdématiée est avant tout médical. Il repose sur les laxatifs, les antalgiques, les anti-inflammatoires et les topiques locaux. La prescription de certains de ces traitements devra respecter les contre-indications et précautions d'emploi. En cas d'allaitement, sont autorisés le paracétamol sans dépasser 4g/j, les corticoïdes, certains topiques locaux et les laxatifs mucilagineux, osmotiques et huileux. En revanche, l'allaitement contre indique la prise d'AINS et l'association paracétamol dextropropoxyphène.

En dehors des règles d'hygiène de vie habituelles, il n'y pas d'indication à proposer de traitement préventif ni par traitement instrumental (sclérose, infra rouges, ligature, …) ni par chirurgie. Les indications chirurgicales sont exceptionnelles et reposent sur les échecs des traitements médicaux ou les poly-thromboses massives et nécrosées.

AUTRES CAUSES RARES DE DOULEURS ANALES APRES L'ACCOUCHEMENT

Les abcès de la marge anale sont rares dans le post partum. On ne connaît pas de facteur de risque particulier lié à l'accouchement. Leur traitement repose sur l'incision sous anesthésie locale ou générale. Le traitement de la fistule anale sera fait à distance.

Il en va de même pour les localisations ano-périnéales de la maladie de Crohn qui peuvent donner des suppurations douloureuses. Celles-ci ne sont pas plus fréquentes pendant la grossesse et après l'accouchement. On retiendra, en revanche, qu'en cas d'antécédents de fistules complexes et a fortiori dans un contexte de maladie de Crohn, la patiente, son obstétricien et son proctologue devront évaluer l'indication d'une césarienne.

Mis en ligne en janvier 2018

Pour en savoir plus :

Abramowitz L et al. Gastroenterol Clin Biol 2003;27:277-283
Sultan S. La lettre de l'hépato-gastroentérologue 2005 ; 3 :37-39
Rouillon JM et al. Gastroenterol Clin Biol 1991;15:A300