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Article : Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (M.I.C.I) et grossesse

Article : Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (M.I.C.I) et grossesse

Par Dr Jean-Michel SUDUCA

Les maladies inflammatoires intestinales touchent souvent des sujets jeunes en âge de procréer. Parmi toutes les interrogations que soulèvent ce diagnostic, les questions qui touchent la grossesse sont souvent au premier plan. Nous allons essayer de répondre aux inquiétudes de ces patients en nous intéressant à l'influence de ces maladies dans les quatre phases entourant la grossesse : la procréation, la grossesse, l'accouchement et le nouveau-né.

A) La procréation .

- 1) Chez la femme, la fertilité et la fécondité des sujets atteints de MICI sont normales (9). Cependant, les femmes ayant subi une chirurgie dans le cadre du traitement des MICI semblent présenter une baisse de la fertilité (6).
- 2) Chez l'homme, il ne semble pas que les MICI modifie la fertilité. Les anomalies rencontrées sont souvent la conséquence des différentes thérapeutiques. En effet, la chirurgie ano-rectale parfois nécessaire dans ces maladies peut être responsable d'impuissance ou d'éjaculation rétrograde (12). Parmi les médicaments, la sulfasalazine et non les 5 ASA, provoque des anomalies du sperme chez 80 % des patients traités mais avec une réversibilité à l'arrêt (14). L'azathioprine ne modifie pas la qualité du sperme (3).

B) La grossesse .

Chez les sujets atteints de MICI, la grossesse soulève deux types de questions.

1) Influence de la grossesse sur la maladie.

L'apparition d'une MICI pendant une grossesse est possible, plus souvent pour les RCH, avec une sévérité due surtout aux difficultés de diagnostic et au retard de prise en charge thérapeutique.

En phase de quiescence de la maladie, période conseillée pour une grossesse, le risque de poussée, autour de 30 %, et le type de complication sont semblables à la population générale du même âge (13). Ce risque est surtout présent au premier trimestre. Les MICI inactives dans cette période le resteront dans 80 % des cas pendant la grossesse (17).
La conception en phase d'activité de la maladie ne permet une amélioration clinique pendant la grossesse que dans 30 % des cas pour la RCH. Pour la maladie de Crohn, l'évolution dans ce cas, se partage en trois tiers : amélioration, stabilisation et aggravation.
L'interruption de grossesse ne modifie pas le cours d'une poussée.
L'évolution des MICI lors des grossesses ultérieures est imprévisible.

2) Influence de la maladie sur la grossesse.

Chez les patientes présentant une MICI, le pronostic fœtal est sensiblement identique à celui de la population générale (17). Toutefois, le risque de prématurité et d'hypotrophie fœtale est augmenté en particulier dans la maladie de Crohn (5, 17). Le risque relatif d'hypotrophie serait plus fréquent en cas d'atteinte iléale dans la maladie de Crohn (11). Mais le risque global de malformation fœtale n'est pas augmenté (17).

Les différentes thérapeutiques nécessaires pour traiter les MICI représentent le principal risque pendant la grossesse et donc la discussion de l'arrêt ou de la poursuite des traitements d'entretien est souvent au premier plan.

La sulfasalazine et les 5 ASA sont bien tolérés et peuvent être utilisés pour maintenir les patientes en rémission pendant une grossesse (4, 10). Certaines précautions sont toutefois nécessaires, supplémentation en acide folique pour utiliser la sulfasalazine et dose maximale de 2g par jour pour les 5 ASA.

Les corticoïdes peuvent être prescrit pendant la grossesse malgré un léger risque d'hypotrophie fœtal en utilisant les doses les plus faibles possibles (10).

Les antibiotiques utilisés dans certains cas de maladie de Crohn sont représentés par le métronidazole (Flagyl®) qui ne pose pas de problème pendant la grossesse de préférence en cure de courte durée et le ciprofloxacine (Cyflox®) qui ne doit pas être prescrit pendant la grossesse (2).

Pour les traitements immunosuppresseurs, la décision est plus difficile et ne peut être prise qu'au cas par cas après discussion et information des patients du fait de l'effet tératogène des immunosuppresseurs à doses élevées chez l'animal. En effet, pour l'Imurel et le Purinéthol il faut mettre en balance le risque important de poussée en cas d'arrêt du traitement et les effets secondaires des médicaments en sachant que dans les MICI les taux de malformations ne semblent pas significativement augmentés (3, 15, 17). Le méthotrexate impose une contraception et doit être arrêté au moins 3 mois avant la conception. La ciclosporine ne peut être utilisée pendant la grossesse que dans les cas indispensables à la stabilisation de la maladie.

L'infleximab (Rémicade®) d'utilisation encore récente, semble présenter certains risques nécessitant par prudence une contraception pendant le traitement et un arrêt d'un moins 6 mois avant une grossesse (16).

La chirurgie, responsable de 50 % de mortalité fœtale, est réservée pendant la grossesse aux formes gravissimes résistantes à tout traitement médical.

C) L'accouchement.

Dans la majorité des cas, après une grossesse normale, l'accouchement est réalisé par voie basse.

Dans la maladie de Crohn, en cas de lésions ano-périnéales importantes, il faut discuter de l'intérêt de la réalisation d'une césarienne pour limiter le risque potentiel de complications provoquées par un accouchement par voie vaginale et une épisiotomie (1). Cependant les manifestations ano-périnéales inactives avant la grossesse le demeurent au décours d'un accouchement par voie vaginale. De même, l'épisiotomie ne semble pas aggraver les lésions ano-périnéales anciennes et non actives pendant la grossesse ou augmenter le risque en l'absence de lésions préexistantes (1, 7).

En cas d'anastomose iléo-anale pour une RCH, la crainte d'une dégradation du résultat fonctionnel par lésion sphinctérienne ne semble pas justifier la réalisation d'une césarienne (8).
L'allaitement contre-indique la plupart des médicaments en dehors de la sulfasalazine, mais n'a pas d'action sur l'évolutivité de la maladie inflammatoire.

D) Le nouveau -né.

- Le risque de transmission génétique des MICI est très faible. En effet les MICI sont des maladies plurifactorielles dans lesquelles les facteurs génétiques n'interviennent que sous la forme de gènes de prédisposition à côté de nombreux facteurs environnementaux. Même si pour les parents du premier degré, le risque relatif (rapport entre la prévalence chez les membres de la famille et la prévalence dans la population générale) de développer la maladie est de 10 pour la maladie de Crohn et de 8 pour la RCH, l'incidence (nombre de nouveaux cas par an pour 1000 habitants) reste faible à 0,6 pour 1000 dans la maladie de Crohn et à 0,24 pour 1000 dans la RCH.
- Le risque d'insuffisance surrénalienne chez le nouveau né de femme ayant utilisé des corticoïdes est faible, mais doit être gardé en mémoire.

CONCLUSION

En conclusion, les progrès dans la connaissance de l'évolution et des traitements des MICI permet d'envisager sereinement une grossesse. Il est toutefois souhaitable d'une part de programmer la grossesse dans une période de rémission de la maladie et d'autre part d'insister sur la surveillance multidisciplinaire de la mère et du fœtus surtout pendant le troisième trimestre de la grossesse (obstétricien, gastro-entérologue, médecin traitant, …).

Mis en ligne en juin 2018

BIBLIOGRAPHIE

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