Article : Enlever le colon dans une constipation sévère | Proktos
Article : Enlever le colon dans une constipation sévère
Article : Enlever le colon dans une constipation sévère
Par Dr. Frédéric Bretagnol, Dr. Arnaud Alves, Pr. Yves PanisINTRODUCTION
La constipation est une des causes fréquentes de consultation en médecine générale, en gastro-entérologie, en proctologie voire en chirurgie digestive. Le symptôme constipation doit faire avant tout rechercher une pathologie sous-jacente (tumeur colorectale, pathologie endocrinienne, médicamenteuse, neurologique, métabolique ou psychiatrique). La constipation idiopathique est donc un diagnostic d'élimination dont il faut distinguer deux types. D'une part, les patients qui ont moins de 2 à 3 selles par semaine et qui n'éprouvent aucun besoin de défécation durant plusieurs jours : il s'agit de constipation par inertie colique (d'origine multifactorielle, hygiéno-diététique, psychologique). A l'opposé, certains patients éprouvent le besoin d'aller à la selle mais ne peuvent évacuer ou évacuent avec grande difficulté : il s'agit de constipation terminale ou dyschésie (le plus souvent liée à des troubles de la statique rectale, rectocèle ou procidence interne).
La place du traitement chirurgical dans l'inertie colique est faible et concerne moins de 10% des patients. La chirurgie n'est indiquée qu'en cas de résistance à un traitement médical bien conduit.
PLACE DES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
Avant toute décision thérapeutique, des explorations complémentaires sont indispensables afin d'éliminer une cause organique, de préciser le type de constipation et d'évaluer la statique pelvienne.
Le temps de transit colique est l'examen principal et permet de mettre en évidence le ralentissement du transit colique. Il consiste, après l'ingestion de marqueurs radio-opaques, à pratiquer des clichés radiographiques simples les jours suivants pour suivre la progression de ces marqueurs et leur élimination. Normalement, 80% des marqueurs doivent être expulsés au bout de 5 jours et la totalité doit avoir disparu au 7ème jour.
Deux situations peuvent se présenter : soit les marqueurs stagnent sur toute la longueur du colon, il s'agit d'une inertie colique ; soit ils stagnent au niveau du rectum, il s'agit d'une constipation terminale.
L'exploration endoscopique du colon (coloscopie totale) est indispensable car elle permet d'éliminer une cause organique et de faire des biopsies multiples (maladie de Hirshprung).
La manométrie anorectale et colique permet d'évaluer l'activité motrice du colon (diminution de la propagation des contractions du colon rapportée dans l'inertie colique) et la fonction sphinctérienne anale.
Enfin, la défécographie permet l'étude radiologique de la dynamique colorectale et peut mettre en évidence une pathologie associée (rectocèle, périnée descendant).
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Indications
Le traitement chirurgical de l'inertie colique est rare puisqu'il concerne moins d'un patient sur 10. Il est indiqué le plus souvent en cas de résistance à un traitement médical bien conduit. Dans la littérature, il existe une grande hétérogénéité concernant les indications chirurgicales mais il apparaît que la réalisation d'un bilan morphologique préopératoire exhaustif (associant coloscopie totale, temps de transit colique, défécographie, manométrie anorectale et colique) soit corrélé à un meilleur taux de succès (89% vs 80% après un bilan incomplet) du fait d'une meilleure sélection des patients (Knowles).
Type de chirurgie
Actuellement, il est préférable de réaliser une colectomie subtotale suivie d'une anastomose iléo-rectale. En effet, la conservation du colon sigmoïde expose à des résultats fonctionnels moins bons du fait du risque accru de persistance du symptôme constipation. De plus, si les résultats initiaux de la colectomie segmentaire (le plus souvent gauche) étaient décevants, quelques études ont rapporté des résultats comparables à ceux de la colectomie subtotale (Lundin). Dans ces séries, la mortalité était nulle, la morbidité était inférieure à 10% et une récidive de la constipation était observée dans 8 à 16% des cas, conduisant à une colectomie subtotale avec anastomose iléo-rectale. Enfin, des études récentes ont suggéré la faisabilité laparoscopique de la colectomie subtotale pour inertie colique (Inoue, Athanasakis).
Résultats
Il est difficile d'évaluer correctement les résultats de la littérature du fait de l'hétérogénéité des études. La mortalité variait de 0 à 6%. L'occlusion intestinale sur bride était la complication la plus fréquente, allant de 2 à 71% et nécessitait une réintervention dans 14% des cas (0 à 50%). La persistance des douleurs abdominales était rapportée dans 41% des cas (0 à 90%). Une récidive de la constipation était observée dans 9% des cas (0 à 33%). Si le nombre de selles postopératoires était augmenté, variant de 1,3 à 5 selles par jour, 14% des patients (0 à 46%) souffraient de diarrhée. A l'extrême, 14% des patients rapportaient une incontinence. Si le taux global de succès était de 86% (39 à 100%), des mauvais résultats fonctionnels aboutissaient à la réalisation d'un anus artificiel (iléostomie) dans 5% des cas. Enfin, les résultats fonctionnels semblent se dégrader avec le temps.
Conclusion
Le traitement chirurgical de la constipation est rare et concerne moins de 10% des patients ayant une inertie colique. Il n'est indiqué qu'en cas de résistance à un traitement médical bien conduit. Il convient de réaliser un bilan préopératoire exhaustif associant une approche multidisciplinaire (psychologue, gastroentérologue, chirurgien) afin de mieux sélectionner les patients, en particulier en éliminant un trouble de l'évacuation rectale, ou un trouble diffus de la motricité digestive colique et intestinale. La chirurgie de choix est la colectomie subtotale emportant le colon sigmoïde avec une anastomose iléorectale, geste qui pourrait être réalisée par laparoscopie (en cours d'évaluation). Elle améliore à l'évidence le résultat fonctionnel mais expose à un risque non négligeable d'occlusion sur brides, de douleurs abdominales et d'échecs.