Article : Constipation et évacuation | Proktos
Article : Constipation et évacuation
Article : Constipation et évacuation
Par Dr. Anne-Laure TARRERIASDéfécation difficile quelqu'en soit la cause. On l'appelle aussi : constipation terminale ou dyschésie. Elle peut-être ou non associée à une constipation de transit, c'est à dire un transit colique ralenti aboutissant à une déshydratation des selles qui sont alors dures. Il est normal d'avoir du mal à évacuer des selles dures, mais si ces troubles persistent malgré le ramollissement des selles (obtenu par la correction des erreurs diététiques ou par l'utilisation de laxatifs), on parle alors de constipation terminale ou de dyschésie.
Symptômes liés à un transit colique lent :
- selles fragmentées ou dures
- moins de 3 selles / sem
Symptômes liés à une constipation terminale :
- efforts de poussée
- sensation d'évacuation incomplète
- sensation d'obstruction anorectale
- manœuvres digitales d'aide à l'évacuation
Cliniquement, la présence de selles dans le rectum au toucher rectal en l'absence de sensation de besoin est très évocatrice.
PHYSIOLOGIE DE LA DEFECATION
Lorsque les matières fécales arrivent dans le rectum, la distension rectale met en jeu les récepteurs situés dans le rectum qui vont :
- signaler directement au cerveau la présence d'un contenu rectal.
- induire un réflexe qui propulse les matières fécales sur la ligne pectinée (zone de sensibilité du canal anal). À ce niveau, le contenu rectal est analysé par les nombreuses terminaisons sensitives, elles feront la différence entre un gaz ou une selle.
Ces informations sont transmises au cerveau qui joue un rôle important mais mal connu, le lobe frontal est certainement impliqué à en juger par les désordres anorectaux observés en cas de lésion frontale.
Le système nerveux central peut ainsi soit empêcher la défécation, soit l'autoriser en fonction du contexte social. Il peut même interrompre une défécation en cours.
Si la défécation est autorisée, il s'en suit plusieurs étapes mettant en jeu différents muscles, chaque étape étant essentielle :
- La poussée abdominale en position assise favorise l'augmentation de l'angle anorectal, et donc le redressement du rectum qui se place dans l'axe du canal anal. La surélévation des pieds aide parfois à ce positionnement.
- Le muscle puborectal se relâche en même temps que le sphincter externe.
- Le muscle longitudinal de l'anus se contracte, ce qui raccourcit le canal anal et favorise l'évacuation des selles.
- Le passage des selles dans le canal anal déclenche un réflexe anocolique qui permet la vidange du côlon descendant (colon gauche).
- Les faisceaux du muscle releveur de l'anus à l'exception du faisceau puborectal se contractent assez rapidement pour limiter la descente du plancher périnéal et donc l'étirement des nerfs et ligaments.
- Une fois l'exonération terminée, le sphincter externe et le muscle puborectal se contractent, l'angle anorectal reprend sa position d'origine.
Si une seule de ces étapes est rendue impossible, l'exonération devient difficile et le plus souvent incomplète même si les selles sont suffisamment molles et l'on parle alors de constipation terminale.
L'EXAMEN PERINEAL
Idéalement, l'examen périnéal est effectué en position gynécologique chez la femme ou en décubitus latéral chez l'homme. On demande au patient de pousser ce qui permet de dévoiler une descente du périnée : cystocèle (bascule de la vessie), hysterocèle (descente de l'utérus), rectocèle (bascule du rectum vers le vagin formant une hernie ou une poche où stagnent les selles vers la paroi postérieure vaginale). On recherche aussi un prolapsus du rectum : extériorisation du rectum par le canal anal, pouvant aller jusqu'à l'extériorisation complète. Le toucher rectal évalue la qualité de la poussée sous réserve d'une situation peu physiologique.
A l'issue de cet examen, 2 situations sont possibles : un trouble de l'évacuation des selles avec un périnée normal, ou un trouble de l'évacuation avec une anomalie périnéale. Dans les 2 cas, des examens complémentaires sont souhaitables : la manométrie anorectale, et/ou la défécographie avec opacification digestive.
CONSTIPATION TERMINALE ET PERINEE NORMAL
L'anisme
Il s'agit d'une contraction paradoxale du sphincter externe et/ou du muscle puborectal lors de la poussée, empêchant ainsi l'évacuation des selles. Il concerne 30 à 50% des constipations. Son diagnostic est fait par la manométrie anorectale qui explore le fonctionnement du périnée (cf. chapitre " Vous allez avoir une manométrie anorectale ") et la défécographie (cf. chapitre "Vous allez avoir une défécographie") examen radiologique qui évalue les rapports anatomiques des organes du périnée (vessie, vagin, rectum) au repos, à la poussée et à la retenue.
Traitement : La rééducation chez le kinésithérapeute également appelée biofeedback. Elle est basée le plus souvent sur la manœuvre de Valsalva (inspiration puis blocage) pour obtenir un relâchement du sphincter puis les techniques sont variées pour obtenir un schéma visuel du fonctionnement du canal anal. On utilise le plus souvent des sondes anales reliées à un ordinateur. Le but est de permettre au patient de prendre conscience de cette contraction paradoxale et de la corriger d'abord consciemment en répétant le mouvement jusqu'à l'intégrer comme un réflexe, c'est la thérapie comportementale.
Une dizaine de séances suffisent généralement, mais il faut souvent des séances de rappel à un an ou plus.
L'hypertonie anale
Caractérisée par un canal anal trop tonique, elle se diagnostique par la manométrie anorectale. Elle accompagne ou peut être secondaire à des lésions proctologiques comme la fissure anale d'où l'importance de l'examen proctologique avec anuscopie en cas de dyschésie. Mais elle peut être isolée. Son traitement reste difficile lorsque l'hypertonie est primitive, les molécules relaxant le sphincter interne ayant trop d'effets secondaires pour envisager une utilisation au long cours.
Hyposensibilité rectale
Lorsque les selles arrivent dans le rectum à un volume suffisant, elles déclenchent une envie d'aller à la selle par activation des récepteurs situés dans le rectum. En cas d'hyposensibilité rectale, ce besoin est plus tardif.
L'hyposensibilité rectale peut être primitive ou secondaire à la constipation terminale, le rectum étant en permanence distendu par les selles non évacuées. Si la distension devient importante, elle constitue alors le mégarectum tel que l'on peut le confirmer par la défécographie.
L'hyposensibilité rectale se rééduque chez des kinésithérapeutes spécialisés à l'aide d'une sonde à ballonnet en abaissant progressivement le seuil de sensibilité.
CONSTIPATION TERMINALE ET TROUBLES DE LA STATIQUE PELVI-PERINEALE
La rectocèle
Hernie de la paroi postérieure du vagin, appelée colpocèle postérieure par les gynécologues. Cliniquement, elle se manifeste par une constipation terminale par capture des selles dans la hernie, de ce fait les manœuvres digitales intravaginales visant à repousser la rectocèle sont souvent utilisées par les patientes. Parfois, la constipation n'est pas présente et c'est seulement l'extériorisation importante de la hernie qui fait consulter.
Son traitement est chirurgical. Mais cette intervention n'est pas toujours nécessaire. Elle est réservée aux rectocèles de taille importante, ou lorsqu'elle peut être considérée comme responsable des troubles de l'évacuation. C'est à dire, lorsqu'un problème fonctionnel de type anisme est éliminé par la manométrie anorectale ou la défécographie.
L'anisme accompagne très souvent la rectocèle (dans 60% des troubles de l'évacuation). Dans ce cas, la correction de l'anisme par la rééducation est souhaitable avant d'envisager un traitement chirurgical, surtout si la constipation terminale est au premier plan. La chirurgie première est envisageable si l'extériorisation de la rectocèle par le vagin constitue la principale gêne.
En pratique, face à une rectocèle, un bilan périnéal avec examen périnéal et proctologique, manométrie et défécographie est important.
La manométrie recherche non seulement l'anisme qu'il faudra corriger par le biofeedback, mais aussi une faiblesse sphinctérienne ou une hypersensibilité rectale (réservoir rectal insuffisant) qui représentent un risque d'incontinence anale en postopératoire surtout en cas de chirurgie endoanale.
La défécographie avec opacification digestive recherche une élytrocèle ou une sigmoïdocèle associées (présence de tube digestif, colon ou intestin grêle entre le rectum et le vagin). Leur présence contre indique certains types de chirurgies.
Le prolapsus du rectum
Il est soit intracanalaire ou il s'extériorise totalement. Il est une cause possible de constipation terminale en faisant obstacle à l'évacuation des selles dans le canal anal. D'autant qu'il entraîne parfois des faux besoins. Il est aussi souvent la conséquence d'une constipation non traitée en raison des poussées itératives aux toilettes. Son diagnostic est essentiellement clinique au cours de l'examen proctologique avec anuscopie. L'exploration fonctionnelle la plus souvent utilisée dans cette pathologie est la défécographie avec opacification digestive.
Le traitement du prolapsus rectal est en règle générale chirurgical mais dans le cas particulier du prolapsus muqueux intracanalaire, certains utilisent les ligatures élastiques.
CONCLUSION
On appelle constipation, la difficulté à évacuer les selles même les selles molles. Le traitement de cette anomalie est le plus souvent médical mais peut parfois nécessiter une intervention chirurgicale. Les poussées itératives aux toilettes sont source secondairement de prolapsus génitaux par étirement des ligaments voir de faiblesse périnéale et d'incontinence par étirement des nerfs. C'est pourquoi une consultation spécialisée chez un gastroentérologue est souhaitable. Un examen périnéal et proctologique avec anuscopie est nécessaire :
Si le périnée est normal :
On fait une manométrie anorectale puis une rééducation chez des kinésithérapeutes spécialisés (biofeedback) si besoin. On recherche un anisme, une hypertonie anale, ou une hyposensibilité rectale.
Si la manométrie est normale, on fait une défécographie pour rechercher une contraction paradoxale du muscle puborectal. Ou il faut revoir le problème d'une éventuelle constipation de transit responsable en raison de la consistance trop dure des selles.
En cas de rectocèle :
On fait une manométrie anorectale puis, si nécessaire, un biofeedback. En cas de manométrie normale, ou si la dyschésie persiste après correction des anomalies manométriques par le biofeedback, il faut proposer une chirurgie de rectocèle après défécographie avec opacification digestive.
En cas de prolapsus du rectum :
La défécographie avec opacification digestive est parfois utile mais son traitement est chirurgical s'il est exteriorisé. La manométrie anorectale est réalisée en postopératoire si la dyschésie persiste. En cas d'anomalie, le biofeedback est plus simple une fois le prolapsus corrigé.
Dans le cas particulier du prolapsus intracanalaire, le traitement médical, le biofeedback premier associé ou non à des ligatures élastiques peuvent suffire.