Article : Polypose adénomateuse familiale | Proktos

Article : Polypose adénomateuse familiale

Article : Polypose adénomateuse familiale

Par Dr. F. DEVULDER

La polypose adénomateuse familiale (PAF) est la plus fréquente des polyposes digestives. Son incidence se situe ente 1 et 4 pour 6 à 10 000 naissances. La PAF est responsable de 1% des cancers colo-rectaux. Elle se caractérise par la présence de multiples polypes (100 à plusieurs milliers) adénomateux sur le côlon et le rectum. En l'absence de traitement, la PAF évolue toujours vers le cancer colo-rectal. Cette maladie génétique a vu sa prise en charge se modifier depuis la découverte de la mutation génétique responsable. La PAF s'associe à d'autres localisations digestives et à des atteintes extra digestives.

Figure 1 : Pièce opératoire d'une Polypose adénomateuse Familiale (Cliché : Dr R Picot, Reims)

GENETIQUE & DEPISTAGE PRECOCE

La PAF est une maladie héréditaire liée à la mutation du gène APC située sur le bras long du chromosome 5. Sa transmission est autosomique dominante. Un enfant né d'un parent atteint a donc un risque de 50% d'avoir hérité du gène porteur de l'anomalie. La mutation du gène APC est présente dans 90% des cas de PAF. Cela permet donc un diagnostic précoce de la maladie par analyse génétique avant l'apparition des premiers polypes colo-rectaux. Ce diagnostic génétique est proposé vers l'âge de 12 ans. Il va permettre d'identifier les sujets prédisposés et de les surveiller. On notera que, bien avant l'apparition des polypes colo-rectaux, on peut observer des lésions oculaires décrites sous le terme d'hypertrophie congénitale de l'épithélium pigmentaire rétinien. Ces lésions peuvent exister dans la population générale mais leur nombre supérieur à 4 signe le diagnostic de PAF.

SURVEILLANCE ET TRAITEMENT DE LA POLYPOSE ADENOMATEUSE FAMILIALE

POLYPOSE RECTO-COLIQUE

Le pronostic de la PAF est dominé par le risque de dégénérescence cancéreuse des polypes recto-coliques. Le cancer survient vers 40 ans, 20 ans plus tôt que pour un cancer colo-rectal sporadique. Le but de la surveillance est de prévenir l'apparition du cancer qui survient dans 100% des cas chez des patients souffrant d'une PAF. L'âge de début de la surveillance varie selon les équipes mais se situe avant 15 ans, le plus souvent vers 11 ou 12 ans. L'examen nécessaire à cette surveillance est la coloscopie totale. Cette coloscopie devra être renouvelée tous les ans ou tous les 2 ans.

Le traitement de la PAF est la colectomie totale. Cette colectomie sera réalisée au plus tard vers 20 ans. Le degré de dysplasie et l'intensité de la polypose peuvent être utilisés pour devancer la chirurgie entre 12 et 20 ans.

Deux interventions sont actuellement proposées :

¤ Coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale (AIA)

¤ Colectomie totale avec anastomose iléo-rectale (AIR)

L'AIA a l'avantage de traiter l'ensemble de la maladie colo-rectale et de supprimer le risque de cancer sur le rectum restant estimé entre 10 et 37% après AIR. Cependant, l'AIA ne semblent pas justifiée dans tous les cas pour plusieurs raisons :

a) morbidité de cette intervention (risque d'incontinence, de troubles sexuels et de sténose anastomotique),

b) risque persistant de cancer sur le réservoir iléal,

c) facilité du contrôle du rectum en cas d'AIR et du traitement d'éventuels polypes.

Classiquement l'AIR pourra être discutée en l'absence de cancer du rectum ou d'un nombre élevé de polypes rectaux (> 10).

Après la chirurgie, le suivi dépendra de l'intervention. Pour les AIR, le suivi endoscopique sera réalisé à 6 mois, un an puis annuellement avec destruction des polypes récidivants. On s'aidera d'une coloration du rectum à l'indigo carmin à 0,5% pour améliorer la détection des adénomes. Après AIA, la surveillance sera réalisée pour rechercher et traiter des lésions adénomateuses se développant sur une zone de muqueuse colique résiduelle et pour diagnostiquer et traiter les sténoses anastomotiques survenant dans 12% des cas après anastomose manuelle. Cette surveillance endoscopique sera réalisée à 6 mois, un an puis tous les 2 ans.

Il n'existe pas de traitement médicamenteux curatif. Cependant, la prise de sulindac (anti-inflammatoire non stéroidien AINS) peut ralentir la croissance des adénomes coliques. Plus récemment, on a montré que le célécoxib, inhibiteur sélectif de la Cox 2, diminuait le nombre de polypes recto-coliques chez les patients souffrant de PAF. Ce médicament a été enregistré aux Etats-Unis dans le traitement adjuvant aux modalités de prise en charge habituelles de ces malades. Cependant, il a été précisé que le bénéfice clinique de cette réduction n'était pas établi formellement et que des incertitudes existaient quant à la tolérance au long court et au maintien de la réduction du nombre de polypes à l'arrêt du traitement.

TUMEURS DESMOIDES

Elles représentent la seconde cause de décès après colectomie pour PAF. Elles apparaissent chez 10% des patients. Plus fréquentes chez les femmes, elles sont intra-abdominales dans 3/4 des cas et surviennent 2 fois sur 3 après une chirurgie abdominale. Dépourvues de potentiel malin, les tumeurs desmoïdes sont responsables d'un envahissement loco-régional pouvant aboutir à des occlusions intestinales, des perforations ou des compressions vasculaires ou urétérales.

Il n'existe pas de traitement préventif des tumeurs desmoïdes. Le seul traitement à visée curative est chirurgical. Compte tenu de sa morbidité, ses indications sont limitées aux complications vitales des tumeurs desmoïdes. Les bases d'un traitement médical se précisent depuis peu. De première intention, on a recours à l'utilisation d'AINS (sulindac ou indométhacine) ou d'anti-œstrogène chez les femmes.

En cas d'échappement thérapeutique, ces deux traitements peuvent être associés. Si malgré tout la progression tumorale se poursuit, on peut faire appel à des protocoles de chimiothérapie.

POLYPOSES GASTRIQUES ET DUODENO-JEJUNALES

La moitié à 2/3 des patients ont des polypes gastriques. Il s'agit le plus souvent d'hyperplasie glandulo-kystique des glandes fundiques. Ces polypes ne dégénèrent jamais.

Les adénomes duodénaux et jéjunaux posent un problème beaucoup plus difficile. Présents dans 70 à 100% des cas, ils peuvent évoluer vers l'adénocarcinome. La réalisation systématique d'une gastroscopie tous les 2 ans avec coloration à l'indigo carmin, examen de la papille duodénale et biopsies systématiques est recommandée à partir de l'âge de 20 ans. En cas d'adénome de plus d'un cm ou en dysplasie sévère, le traitement endoscopique est recommandé. Les adénocarcinomes infiltrants de la papille pourront, selon les résultats du bilan d'extension, être traités par duodéno-pancréatectomie céphalique.

TUMEURS RARES

A côté des trois problèmes majeurs de la PAF que sont les risques de cancer colo-rectaux, de tumeurs desmoïdes et de dégénérescence de polypes du duodénum et du jéjunum, on peut observer d'autres associations tumorales plus rarement rencontrées.

Le risque principal est l'hépatoblastome. Cette tumeur hépatique se rencontre chez les enfants de 1 à 4 ans. Elle est responsable d'une surmortalité chez ces jeunes enfants porteur de la mutation du gène APC. Bien que non validée, la surveillance de ces enfants repose sur la pratique d'une échographie hépatique et d'un bilan sanguin (dosage de l'alpha fœto protéine) tous les ans jusqu'à 6 ans.

D'autres tumeurs ont été décrites beaucoup plus rarement (tumeurs cérébrales, cancer papillaire de la thyroïde, cancer gastrique, cancer du pancréas).

 

FAQ : La Polypose adénomateuse familiale Mis en ligne en janvier 2019

Pour en savoir plus :

  • Olschwang S. Les polyposes intestinales : aspects génétiques. Gastroenterol Clin Biol 2001 ; 25 :B26-B30
  • Saurin JC. Prise en charge clinique de la polypose adénomateuse familiale. Gastroenterol Clin Biol 2001 ; 25 :B31-B37
  • Cotte E, Glehen O, Monneuse O, Cotton F, Vignal J. Tumeurs desmoïdes associées à la polypose adénomateuse familiale. Gastroenterol Clin Biol 2004, 28:574-581
  • Buecher B, Heymann MF, Blottière HM. Rationnel et perspectives d'utilisation des inhibiteurs de cyclooxygénase-2 (COX-2) dans les cancers colo-rectaux. Gastroenterol Clin Biol 2001, 25:967-978
  • Tiret E, Parc R. Polypose adénomateuse familiale. Proctologie, éd. ESTEM/AUPELF, 1996, 421-30
  • Bignon Y. Oncogénétique : vers une médecine de présomption/pédiction. Ed. Lavoisier, 154-155 et 332-371
  • Association pour la Prévention, le Traitement et l'Etudes des Polyposes Familiales. http://aptepf.free.fr/